Page:Brunot - Histoire de la langue française, des origines à 1900 — Tome 5.pdf/61

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mentaire des règles et de l’orthographe du français devait précéder les études latines. Le catéchisme, l’histoire, devaient être enseignés en français. Plus tard une nouvelle classe, la 7e, fut ajoutée à la 5e et à la 6e pour permettre de trouver le temps nécessaire à cet enseignement. « N’est-il pas évident, écrivait plus tard Malebranche, qui est aussi un Oratorien, qu’il faut se servir de ce qu’on sçait pour apprendre ce qu’on ne sçait pas : et que ce seroit se mocquer d’un François, que de lui donner une Grammaire en vers Allemands pour lui apprendre l’Allemand ? Cependant on met entre les mains des enfans les vers Latins de Despautere pour leur apprendre le Latin, des vers obscurs en toutes manieres à des enfans qui ont même de la difficulté à comprendre les choses les plus faciles 1 ? »

Les maîtres de l’Oratoire ont l’honneur incontesté d’avoir institué et appliqué un programme où les premières classes étaient en français, et où on enseignait les éléments de la langue.

RENOUVELLEMENT DE LA PÉDAGOGIE PAR PORT-ROYAL. — Toutefois celui de Port-Royal fut autrement novateur et fécond. Il n’allait à rien moins qu’à un renouvellement complet de la vieille pédagogie ; désormais les compositions françaises orales et écrites avaient leur place 2, et le règlement mettait la version au-dessus du thème 3. En outre, les raisons de ces innovations étaient nettement et fortement données. Port-Royal va même plus loin encore, car les Jansénistes sont les adversaires de cette rhétorique creuse dont on voudrait restaurer aujourd’hui le culte, à laquelle vous habitue peu à peu la pratique d’une langue morte, dont on n’a pas encore, dont on n’aura jamais la complète possession : « Il ne faut ordinairement les faire parler (les enfants) ny écrire, disent les maîtres, que sur les sujets qu’ils sçavent le mieux, et dans le stile et les termes où ils sont le plus exercez ; autrement ils ne parlent qu’obscurement et confusément, comme sont leurs conceptions, et s’accoûtument ainsi à parler et à se satisfaire de ce qu’ils n’entendent pas, ce qui est cause d’un défaut tres-ordinaire aux hommes, qui est de parler beaucoup de ce qu’on entend peu 4. »

Voici maintenant qui concerne l’étude de la langue même : « Puis

1. Rech. de la Vérité, Paris, 1721, 4°, II, Préf.

2. « On peut commencer à les faire écrire (les enfants) en François, avant qu’ils écrivent en Latin, en leur donnant à faire de petits Dialogues, de petites Narrations ou Histoires, de petites descriptions, de petites Lettres, et en leur en laissant mesme choisir les sujets parmy les lectures qu’ils ont faites » (Billets Cicér., préf., 31). Cf. Arnauld, Regl. des études, § 9.

3. Arnauld, ib., § 6.

4. Billets Cicér., préf., 30.