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depuis quatre siècles, l’ont compris. En 1509, un conseiller éclairé exposait déjà cette manière de voir à Louis XII, et trente ans après elle avait si bien pénétré les esprits que François Ier, par les articles 110 et 111 de l’ordonnance de Villers-Cotterets, imposait le français comme langue judiciaire et administrative à tout le royaume, même aux provinces qui l’ignoraient totalement.

Vous pensez bien. Monsieur le Ministre, qu’un si étonnant coup d’État non seulement contre le latin, mais contre les dialectes et les langues parlées en France n’alla pas non plus sans « de merveilleuses crieries », dont Ramus nous a transmis les échos[1]. Le roi néanmoins tint bon et, depuis lui, tous ses successeurs[2].

Je conviens qu’en pratique, bien des tolérances furent accordées, bien des négligences furent commises, dans l’Alsace conquise en particulier. Ce n’est pas toutefois que les idées fussent changées, comme les lettres de Colbert en font foi[3].

  1. Gramaire, 1572, 49-50.
  2. En 1621, l’édit portant création du Parlement de Pau, prescrit l’usage exclusif du français. En 1635, nouvel édit interdisant le flamand à Ypres et dans toutes les châtellenies de Flandre. Le 30 janvier 1685, arrêt du conseil défendant de recevoir aucun acte en allemand. En février 1700, édit analogue relatif aux juridictions de Roussillon, Conflans et Cerdagne, etc. Bref, chaque fois que l’occasion s’en présente, la même volonté se renouvelle expressément.
  3. « Comme il est de conséquence, écrit-il à Charles Colbert, intendant d’Alsace, le 12 mars 1666, d’accoustumer les peuples des pays cédés au Roy parle traité de Munster, à nos mœurs et à nos coustumes, il n’y a rien qui puisse y contribuer davantage qu’en faisant en sorte que les enfants apprennent la langue