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accident particulier, une révolution ou un bouleversement, n’aurait pas produit un pareil effet dans le globe tout entier, et, si l’arrangement des terres et des couches avait pour cause des révolutions particulières et accidentelles, on trouverait les pierres et les terres disposées différemment en différents pays, au lieu qu’on les trouve partout disposées de même par couches parallèles, horizontales ou légèrement inclinées. »

Buffon n’ignorait pas d’ailleurs que certaines roches ne contiennent jamais de fossiles. « On ne trouve jamais, dit-il dans la première de ses œuvres qui traite de ce sujet[1], de coquilles ni dans le roc vit ou granit, ni dans le grès ; au moins, je n’y en ai jamais vu, quoiqu’on en trouve, et même assez souvent, dans le sable vitrifiable duquel ces matières tirent leur origine. »

Il me paraît inutile de m’étendre davantage sur ce premier fait. C’est avec raison que Buffon a insisté sur son importance ; mais si cela était nécessaire à son époque, à cause des erreurs d’interprétation dont il était l’objet, il n’en est heureusement plus ainsi de nos jours. Le dernier enfant de nos écoles rirait également, et de ceux qui mettaient jadis la dispersion des fossiles sur le compte du déluge biblique, et de Voltaire qui, pour railler ces croyants, tombait dans une erreur plus grossière encore et beaucoup moins excusable.

Différences d’âges des fossiles. Je me borne à remarquer qu’il est un fait important dont Buffon ne paraît pas avoir eu connaissance, ou, du moins, dont il n’a pas su tirer les conséquences : je veux parler des différences considérables d’âges qui existent entre les espèces fossiles. Buffon a bien vu qu’elles étaient superposées, dans un certain ordre, dans des couches de terrains qui n’avaient été déposées que très lentement ; mais l’étude de ces débris d’organismes anciens et celle des roches dans lesquelles ils sont contenus n’était pas encore assez avancée pour qu’il put se rendre compte de ce fait, que les débris des animaux les plus simples se trouvent dans les couches les plus anciennes, tandis que ceux des organismes les plus parfaits ne gisent que dans les couches les plus récentes. Buffon pensait que les animaux les plus anciens sont ceux dont on trouve les restes au sommet des montagnes les plus hautes, mais il n’indique pas le motif de cette opinion. Je la relève simplement pour montrer qu’il avait eu quelque idée de la différence d’âge des fossiles. « On doit présumer, dit-il[2], que les coquilles et les autres productions marines que l’on trouve à de grandes hauteurs au-dessus du niveau actuel des mers sont les espèces les plus anciennes de la nature. »

Il ne vit pas non plus ce fait que les couches contenant des restes d’animaux marins alternent, dans certaines localités, avec d’autres couches ne renfermant que des débris d’animaux propres aux eaux douces.

Ces deux lacunes eurent nécessairement une influence considérable

  1. T. Ier, p. 123.
  2. Époques de la nature, t. II, p. 33.