Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur la façon dont il expliqua la présence des fossiles marins sur les continents.

Analogies des espèces fossiles avec les espèces actuelles. Le deuxième fait auquel Buffon attache la valeur d’un « monument de la nature » est la ressemblance des animaux et des végétaux fossiles avec ceux qui existent actuellement. Buffon n’avait pas étudié les animaux inférieurs ; il ne connaissait pas non plus beaucoup l’anatomie des animaux supérieurs ; du reste, l’anatomie comparée en était alors à la première phase de son développement. Ni Buffon ni ses contemporains ne se donnèrent donc le souci d’étudier les fossiles minutieusement, en les comparant aux animaux actuels. Il leur suffisait de constater certaines analogies de formes pour conclure à l’identité des uns avec les autres. L’opinion de Buffon sur ce sujet se modifia cependant dans une certaine mesure avec le temps. On a vu plus haut que dans son Histoire et théorie de la terre, il admet l’identité absolue des animaux fossiles avec ceux qui vivent de nos jours : « Je vois de plus, écrit-il alors[1], que dans l’intérieur de la terre, sur la cime des monts et dans les lieux les plus éloignés de la mer, on trouve des coquilles, des squelettes de poissons de mer, des plantes marines, etc., qui sont entièrement semblables aux coquilles, aux poissons, aux plantes actuellement vivantes dans la mer, et qui, en effet, sont absolument les mêmes. » Il ne tarde pas cependant à admettre qu’il peut y avoir des espèces fossiles qui ont disparu. « Il peut aussi se faire, dit-il dans ses suppléments à l’Histoire de la terre[2], qu’il y ait eu de certains animaux dont l’espèce a péri ; ces coquillages (les cornes d’Ammon ou Ammonites) pourraient être du nombre : les os fossiles extraordinaires qu’on trouve en Sibérie, au Canada, en Irlande et dans plusieurs autres endroits, semblent confirmer cette conjecture, car jusqu’ici on ne connaît pas d’animal à qui on puisse attribuer ces os qui, pour la plupart, sont d’une grandeur et d’une grosseur démesurées. » Sa première opinion est cependant celle qui a ses préférences, car, trente ans plus tard, dans les Époques de la nature, il répète que « la plupart des coquilles appartiennent aux animaux de ce genre actuellement existants. »

Buffon commettait en cela une erreur grave ; son génie en fut entravé ; il se trouva hors d’état de tirer de ses études et de ses méditations les fruits qu’elles auraient pu produire s’il avait eu connaissance du nombre extrêmement considérable d’espèces disparues qui figurent parmi les animaux et les végétaux fossiles. À Cuvier était réservé l’honneur de cette découverte, ainsi que nous aurons l’occasion de le dire plus tard, en même temps que nous devrons montrer la fausseté des idées qu’il en tira.

Buffon fait figurer, avec raison, parmi ses « monuments de la nature », le fait que les animaux fossiles trouvés dans les régions septentrionales de nos

  1. Voyez plus haut, p. 128.
  2. T. Ier, p. 128.