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il existe des sources, c’est-à-dire des jets d’eau provenant de nappes situées à de grandes profondeurs. Quoi qu’il en soit, l’élévation de la température des sources thermales s’explique facilement par le fait que les eaux venues de la surface s’enfoncent dans le sol jusqu’au voisinage de foyers de chaleur, puis remontent à la surface par les procédés que nous avons indiqués plus haut.

On ne peut que difficilement se faire une idée des destructions opérées par l’eau dans l’intérieur du sol. Ces phénomènes ont cependant une importance capitale ; ils méritent d’autant plus d’attirer notre attention qu’ils sont de nature à faire comprendre, mieux peut-être que tous les autres, le rôle des causes actuelles dans les transformations de la surface de notre globe.

Ainsi que je l’ai rappelé plus haut, il n’y a pas une seule des substances entrant dans la composition de la terre qui ne puisse être dissociée, dissoute ou transformée par l’eau qui pénètre dans le sol chargée d’air et d’acide carbonique. Le carbonate de chaux, qui forme les immenses bancs de calcaire des divers terrains, est insoluble dans l’eau pure, mais il se dissout aisément dans l’eau chargée d’acide carbonique. Il en est de même du carbonate de magnésie qui forme les strates dolomitiques si fréquemment associées au calcaire. Les schistes, les argiles, les gneiss, les granits eux-mêmes, sont lentement dissociés par l’eau, et peuvent même être entièrement décomposés si l’eau qui les pénètre est riche en acide carbonique. Il est facile de voir en Auvergne cet état particulier du granit qui a été désigné sous le nom de « carie ». La roche conserve sa forme et son aspect ordinaires, mais on la désagrège entre les doigts avec la plus grande facilité. Dans les plaines du Pô, à Vérone, à Parme, à Villafranca, on rencontre à chaque pas des galets arrondis de gneiss tellement modifiés par l’eau et l’acide carbonique qu’on les brise en morceaux par le plus faible choc.

Qui ne sait que l’argile blanche et fine avec laquelle on fabrique les belles porcelaines, et que l’on connaît sous le nom de kaolin, n’est qu’un produit de décomposition du granit, du gneiss, du porphyre. Dans les variétés peu estimées de cette argile, dans celles, par exemple, que l’on peut observer dans la vallée des Roches, près de Plombières, on trouve encore de gros cristaux de quartz et des paillettes de mica qui n’ont pas encore été décomposés. Dans la même région il existe, à peu de distance d’une carrière de kaolin en exploitation, des couches de granit en voie de décomposition, mais offrant une certaine dureté et possédant tous ses éléments dans un état qui permet de les distinguer avec la plus grande facilité. Les basaltes eux-mêmes, dont l’origine volcanique est indéniable, sont attaqués par l’eau qui les désagrège pour former l’argile et la wacke dites basaltiques.

Quant à la somme de matières dissoutes par l’eau dans l’intérieur du sol et ramenées à la surface, elle est véritablement énorme. On sait fort bien qu’il n’y a pas une seule source dont l’eau soit tout à fait pure. Celle-ci contient