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toujours une proportion variable de matières minérales en dissolution, matières parmi lesquelles dominent le carbonate de chaux et de magnésie, le sulfate de magnésie, le chlorure de sodium, etc. Toutes ces substances ont été prises par l’eau dans le sol, car l’eau des pluies, au moment où elle tombe à la surface de la terre, ne contient en dissolution que de l’air et de l’acide carbonique ; elle ne renferme aucun sel soluble. Pour avoir une idée de la quantité de matière que l’eau enlève au sol, il suffit de se rappeler que la salure de la mer est due au sel alcalin, et particulièrement au chlorure de sodium et au chlorure de magnésium qui lui sont apportés par les eaux des fleuves et que celles-ci ont pris dans le sol. Dans quelques localités, par exemple, près de Clermont, en Auvergne, il existe des ruisseaux si riches en carbonate de chaux qu’on les utilise à la production de pétrifications et d’incrustations calcaires. Il suffit pour cela de faire tomber l’eau en nappes minces ; elle perd au contact de l’air une portion de son acide carbonique et dépose à la surface des objets qu’on lui présente une couche de carbonate de chaux. L’une des sources de la ville de Clermont a déjà formé de la sorte une butte longue de 72 mètres, haute à son extrémité de 4m,50 et large de 3m,60. Les environs de Rome sont classiques pour les dépôts de calcaire connus sous le nom de « travertins », formés par des sources qui tiennent en dissolution d’énormes quantités de carbonate de chaux emprunté aux couches calcaires des Apennins. L’eau qui alimente les bains de San Filippo tombe dans un étang au fond duquel s’est déposée en vingt ans une couche de carbonate de chaux ayant 9 mètres d’épaisseur. D’après Lyell, en quatre mois, les mêmes sources produisent une couche de pierre dure épaisse de 30 centimètres. L’une des sources séléniteuses de Visp, dans le Valais, enlève chaque année à l’intérieur de la terre plus de 200 mètres cubes de sulfate de chaux. Des fleuves, comme le Rhin et le Danube, qui contiennent 1/8000 de substances minérales dissoutes conduiraient à la mer, en huit mille ans, une masse de ces substances égale à celle de l’eau qu’ils y déversent chaque année. On voit par là qu’elle est l’importance du rôle destructif de l’eau qui circule dans l’intérieur de notre globe.

Action métamorphique de l’eau dans le sol. Nous devons ajouter que, d’après certains géologues, l’eau, même froide, qui circule dans l’intérieur du globe jouerait un rôle chimique tellement considérable qu’il faudrait mettre sur son compte une grande partie des transformations des roches connues sous le nom de métamorphiques. L’eau, en traversant les roches les plus superficielles, perdrait son oxygène et son acide carbonique et se chargerait de substances en dissolution qu’elle porterait au contact des roches situées plus profondément ; celles-ci seraient transformées sous l’influence de décompositions et de compositions chimiques provoquées par les substances dissoutes dans l’eau. L’eau, par exemple, apportant des silicates calcaires et alcalins au contact d’autres silicates situés