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Rôle des causes actuelles dans la formation des calcaires. Est-il nécessaire, pour expliquer la formation de ces masses immenses de calcaire, d’invoquer des révolutions violentes ? Pas le moins du monde. Elles se sont produites lentement, comme se forment aujourd’hui les sédiments de même nature dans le fond de nos mers, de nos lacs et de nos étangs. Les eaux qui circulent dans les profondeurs du sol étant riches en acide carbonique y transforment le carbonate de chaux en bicarbonate soluble qu’elles amènent à la surface et que les animaux et les végétaux transforment de nouveau en carbonate insoluble avec lequel ils construisent leurs tests calcaires ; ceux-ci se déposent après la mort des animaux dans le fond des mers, des étangs, des fleuves, y sont cimentés par du carbonate de chaux provenant directement de l’eau et contribuent à former de nouveaux sédiments calcaires. Parfois, même, de la silice se dépose dans les tests calcaires, en masses solides ; les tests sont ensuite dissous par l’eau riche en acide carbonique, et il ne reste que la silice sous forme de sable ou d’argile. Les faits suivants donnent une excellente idée de ces transformations.

« À l’époque actuelle, dit Huxley[1] dans le golfe du Mexique, au delà du banc d’Agulhas et dans d’autres points, à de faibles profondeurs (100 à 300 brasses), les tests des foraminifères subissent une métamorphose remarquable. Leurs chambres se remplissent d’un silicate vert d’alumine et de fer, qui pénètre jusque dans les tubes les plus fins, et prend une empreinte presque indestructible de leurs cavités. La matière calcaire qui forme le test des foraminifères est alors dissoute lentement, tandis que l’empreinte subsiste, constituant un sable noir, fin, qui, lorsqu’on l’écrase, donne une poussière verdâtre connue sous le nom de sable vert. Les recherches faites à bord du Challenger ont, en outre, montré que de grandes surfaces des océans Atlantique et Pacifique, au-dessus desquelles la mer offre une profondeur excédant 2 400 brasses, — surfaces ayant parfois plusieurs milliers de mille carrés d’étendue, — offrent un fond couvert, non par une ooze à globigérines, mais par une argile rouge, formée de silicate de fer et d’alumine. On ne trouve dans cette argile aucune trace de globigérines ou d’autres organismes calcaires ; mais, dans les points où l’eau est moins profonde, les globigérines se montrent à l’état de fragments qui deviennent de plus en plus complets à mesure que la profondeur diminue et se rapproche de 2 400 pieds, ou devient encore moindre. Cependant, les globigérines et d’autres foraminifères abondent au-dessus de ces surfaces comme ailleurs, et leurs tests doivent tomber au fond ; mais on ne sait pas encore, d’une manière satisfaisante, comment ils disparaissent, ni quelle relation existe entre eux et l’argile rouge. On a émis l’opinion que les coquilles sont dissoutes et que l’argile rouge représente simplement le résidu insoluble qui persiste après que la partie calcaire du squelette a disparu. Dans ce cas, l’argile rouge, de

  1. Comparative anatomy of invertebrated animales, p. 85.