Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/302

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trois objets distincts, trois choses qui, quoique se ressemblant par un grand nombre de propriétés, diffèrent néanmoins par un petit nombre d’autres propriétés assez essentielles pour qu’on puisse les regarder comme trois choses différentes, et qu’on puisse les comparer une à une. »

Il s’élève contre l’opinion qui considère la chaleur comme « un attribut de la lumière et du feu[1] » ; il veut que la chaleur soit une substance matérielle ; et il dit : « Quoique les molécules de la chaleur soient excessivement petites, puisqu’elles pénètrent les corps les plus compacts, il me semble néanmoins que l’on peut démontrer qu’elles sont bien plus grosses que celles de la lumière ; » l’argument qu’il invoque à l’appui de cette opinion, c’est que « on fait de la chaleur avec la lumière en la réunissant en grande quantité », et que « d’ailleurs, la chaleur agissant sur le sens du toucher, il est nécessaire que son action soit proportionnée à la grossièreté de ce sens, comme la délicatesse des organes de la vue paraît l’être à l’extrême finesse des parties de la lumière. »

Le passage suivant est fort curieux : « Le principe de toute chaleur, dit Buffon[2], paraît être l’attrition des corps ; tout frottement, c’est-à-dire tout mouvement en sens contraire entre des matières solides, produit de la chaleur, et si ce même effet n’arrive pas dans les fluides, c’est parce que leurs parties ne se touchent pas d’assez près pour pouvoir être frottées les unes contre les autres, et qu’ayant peu d’adhérence entre elles, leur résistance au choc des autres corps est trop faible pour que la chaleur puisse naître ou se manifester à un degré sensible ; mais dans ce cas, on voit souvent de la lumière produite par ce frottement d’un fluide sans sentir de la chaleur. Tous les corps, soit en petit ou en grand volume, s’échauffent dès qu’ils se rencontrent en sens contraire : la chaleur est donc produite par le mouvement de toute matière palpable et d’un volume quelconque, au lieu que la production de la lumière qui se fait aussi par le mouvement en sens contraire, suppose de plus la division de la matière en parties très petites ; et comme cette opération de la nature est la même pour la production de la chaleur et celle de la lumière, que c’est le mouvement en sens contraire, la rencontre des corps qui produisent l’un et l’autre, on doit en conclure que les atomes de la lumière sont solides par eux-mêmes, et qu’ils sont chauds au moment de leur naissance ; mais on ne peut pas également assurer qu’ils conservent leur chaleur au même degré que leur lumière, ni qu’ils ne cessent pas d’être chauds avant de cesser d’être lumineux. Des expériences familières paraissent indiquer que la chaleur de la lumière du soleil augmente en passant à travers une glace plane, quoique la quantité de la lumière soit diminuée considérablement par la réflexion qui se fait à la surface extérieure de la glace, et que la matière même du verre en retienne une certaine quantité. D’autres

  1. Introduction à l’histoire des minéraux, t. II, p. 221.
  2. Ibid., t. II, p. 221.