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ger, mais seulement en augmenter toutes les dimensions, tant extérieures qu’intérieures, et produire ainsi l’accroissement des corps organisés et leur développement. »

Dégagée des longues périphrases qui l’obscurcissent, la pensée de Buffon peut être résumée de la façon suivante : « Il existe dans les organismes vivants une force très analogue à la pesanteur qui détermine la pénétration des matériaux venus du dehors entre les molécules préexistantes du corps de l’animal et qui provoque ainsi l’accroissement du corps. »

La nutrition et le développement sont des phénomènes mécaniques. Cette opinion est très remarquable en ce qu’elle explique les phénomènes d’assimilation et d’accroissement consécutif qui se produisent chez les êtres vivants aux phénomènes purement physiques dont la matière inorganique est le siège. Pour moderniser, en quelque sorte, l’opinion de Buffon, il suffit de remplacer sa prétendue force par les mouvements moléculaires dont nous avons si longuement parlé plus haut, mouvements auxquels, dans le cas actuel, les physiciens et les chimistes ont donné des noms spéciaux : l’endosmose et l’affinité, et qu’ils ont voulu considérer comme des forces spéciales. Qu’est-ce que l’endosmose ? simplement le fait par lequel les molécules d’un liquide traversent une membrane animale ou végétale ; or ce fait est très facile à expliquer si l’on admet que les atomes pondérables sont en mouvement incessant de rotation et de translation et qu’ils sont séparés les uns des autres par des espaces remplis d’éther. Rappelons-nous que les atomes pondérables des gaz et des liquides sont doués d’un mouvement de translation très énergique, et nous comprendrons qu’ils puissent aisément traverser les corps solides. Par là aussi s’explique la pénétration des atomes des aliments ou de leurs produits de transformation jusque dans la profondeur des tissus et dans la cavité des cellules. Quant à l’affinité chimique, nous savons qu’elle a sa cause, comme la pesanteur, dans la pression que l’éther exerce sur les atomes pondérables. À l’aide de ces deux sortes de mouvements, endosmose et affinité, nous expliquons sans difficulté tous les faits d’assimilation et d’accroissement qu’offrent les êtres vivants.

La reproduction d’après Buffon. Je passe à la troisième question. Celle-ci est relative à la reproduction des êtres vivants. Buffon se demande si la puissance qui détermine l’accroissement du « moule intérieur », c’est-à-dire l’accroissement de l’animal sans changement dans la forme, ne préside pas également à la perpétuation de cette forme dans l’acte de la reproduction. Il répond : « Non seulement c’est une puissance semblable, mais il paraît que c’est la même puissance qui cause le développement et la reproduction. » Expliquant sa pensée, il ajoute une hypothèse nouvelle à celles qu’il a déjà imaginées : il suppose qu’il y a dans le corps des animaux « quelque partie semblable au tout » virtuellement, sans doute, capable, en se développant, de « devenir elle-même un corps organisé tout semblable à celui dont elle fait actuellement partie ». Il ajoute :