Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Cette partie, dont la forme intérieure et extérieure est semblable à celle du corps entier, ne se développant que comme partie dans ce premier développement, elle ne présentera pas à nos yeux une figure sensible que nous puissions comparer actuellement avec le corps entier ; mais si on la sépare de ce corps et qu’elle trouve de la nourriture, elle commencera à se développer comme corps entier et nous offrira bientôt une forme semblable tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, et deviendra par ce second développement un être de la même espèce que le corps dont elle aura été séparée ; ainsi dans les saules et les polypes, comme il y a plus de parties organiques semblables au tout que d’autres parties, chaque morceau de saule ou de polype qu’on retranche du corps entier devient un saule ou un polype par ce second développement. »

La dernière phrase de cette citation montre par quelle filière d’idées Buffon était parvenu à concevoir son hypothèse des « parties organiques semblables au tout ». Il a remarqué que tout rameau de saule mis en terre reproduit un saule semblable à celui dont on l’a détaché ; il a appris par les expériences célèbres de Trembley qu’une portion du corps d’un polype d’eau douce peut se développer en un animal semblable au premier ; il en conclut que les animaux et les végétaux contiennent des parties ayant virtuellement toutes les qualités de l’organisme entier ; mais, sachant fort bien que tous les êtres ne se reproduisent pas avec la même facilité ; que de la patte d’un hanneton ou d’un chien, par exemple, ne peut naître ni un hanneton ni un chien, tandis que toute branche d’un saule peut donner un saule ; il admet que les « parties semblables au tout » sont d’autant plus nombreuses que l’organisme est plus simple. « Un corps organisé, dit-il, dont toutes les parties seraient semblables à lui-même, est un corps dont l’organisation est la plus simple de toutes, car ce n’est que la répétition de la même forme et une composition de figures semblables toutes organisées de même, et c’est par cette raison que les corps les plus simples, les espèces les plus imparfaites sont celles qui se reproduisent le plus aisément et le plus abondamment ; au lieu que si un corps organisé ne contient que quelques parties semblables à lui-même, alors il n’y a que ces parties qui puissent arriver au second développement, et par conséquent la reproduction ne sera ni aussi facile ni aussi abondante dans ces espèces qu’elle l’est dans celles dont toutes les parties sont semblables au tout ; mais aussi l’organisation de ces corps sera plus composée que celle des corps dont toutes les parties sont semblables, parce que le corps entier sera composé de parties, à la vérité toutes organiques, mais différemment organisées, et plus il y aura dans le corps organisé de parties différentes du tout, et différentes entre elles, plus l’organisation de ce corps sera parfaite et plus la reproduction sera difficile. »

Je montrerai tout à l’heure quelle idée profonde était en germe dans l’hypothèse, en apparence fantaisiste, que je viens de reproduire. Mais aupara-