Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/354

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surabondance de nourriture dans le temps que commence la puberté ; celle de la femelle est encore plus précoce, et cette surabondance y est encore plus marquée par cette évacuation périodique qui commence et finit en même temps que la puissance d’engendrer, par le prompt accroissement du sein, et par un changement dans les parties de la génération, que nous expliquerons dans la suite.

» Je pense donc que les molécules organiques renvoyées de toutes les parties du corps dans les testicules et dans les vésicules séminales du mâle, et dans les testicules ou dans telle autre partie qu’on voudra de la femelle[1], y forment la liqueur séminale, laquelle, dans l’un et l’autre sexe, est, comme l’on voit, une espèce d’extrait de toutes les parties du corps : ces molécules organiques, au lieu de se réunir et de former dans l’individu même de petits corps organisés semblables au grand, comme dans le puceron et dans l’oignon, ne peuvent ici se réunir en effet que quand les liqueurs séminales des deux sexes se mêlent ; et lorsque dans le mélange qui s’en fait il se trouve plus de molécules organiques du mâle que de la femelle, il en résulte un mâle ; au contraire, s’il y a plus de particules organiques de la femelle que du mâle, il forme une petite femelle.

» Au reste, je ne dis pas que dans chaque individu mâle et femelle les molécules organiques renvoyées de toutes les parties du corps ne se réunissent pas pour former dans ces mêmes individus de petits corps organisés : ce que je dis, c’est que lorsqu’ils sont réunis, soit dans le mâle, soit dans la femelle, tous ces petits corps organisés ne peuvent pas se développer d’eux-mêmes, qu’il faut que la liqueur du mâle rencontre celle de la femelle, et qu’il n’y a en effet que ceux qui se forment dans le mélange des deux liqueurs séminales qui puissent se développer ; ces petits corps mouvants, auxquels on a donné le nom d’animaux spermatiques, qu’on voit au microscope dans la liqueur séminale de tous les animaux mâles, sont peut-être de petits corps organisés provenant de l’individu qui les contient, mais qui d’eux-mêmes ne peuvent se développer ni rien produire ; nous ferons voir qu’il y en a de semblables dans la liqueur séminale des femelles ; nous indiquerons l’endroit où l’on trouve cette liqueur de la femelle ; mais, quoique la liqueur du mâle et celle de la femelle contiennent toutes deux des espèces de petits corps vivants et organisés, elles ont besoin l’une de l’autre pour que les molécules organiques qu’elles contiennent puissent se réunir et former un animal. Les prétendus animaux spermatiques dont nous venons de parler pourraient bien n’être que très peu organisés ; ils ne sont, tout au plus, que l’ébauche d’un être vivant ; ou, pour le dire plus clairement, ces

  1. Buffon, ainsi qu’on le verra mieux tout à l’heure, n’admettait pas que la femme et les femelles des mammifères eussent des œufs. Il n’admet, chez ces femelles, qu’une liqueur séminale analogue à celle de l’homme et contenant, comme celle de l’homme, des spermatozoïdes.