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La matière vivante ne nous offre-t-elle pas des phénomènes analogues ? Existe-t-il la moindre différence de composition chimique entre un œuf vivant et un œuf tué par la chaleur ou le froid ? Nullement, et cependant les propriétés du premier sont absolument différentes de celles du second. L’élévation ou l’abaissement de la température n’ont modifié que l’état physique, le mode d’agrégation moléculaire du corps, ils ont agi sur lui comme sur l’eau qu’ils transforment en vapeur ou en glace.

Nous pouvons conclure de ce fait, que les différences qui existent entre un œuf, une cellule, une monère, un animal, un végétal quelconque vivants et les mêmes organismes frappés de mort, résultent de la quantité de chaleur latente qu’ils renferment. Pour atteindre la solution du problème biologique formulé plus haut, nous devons ajouter aux conditions déjà exposées, celles de la température nécessaire pour que les mouvements vitaux se produisent dans les substances quaternaires et ternaires dont l’association constitue le protoplasma.

Nous ignorons si les conditions nécessaires à la formation des matières quaternaires albuminoïdes et à l’apparition des propriétés dont l’ensemble constitue l’état spécial de la matière connu sous le nom de vie, ne se sont montrées qu’à une époque très reculée de notre globe, ou si elles se produisent encore de nos jours ; nous ignorons aussi quelle est la part de vérité que renferment les hypothèses que je viens de résumer ; mais nous pouvons affirmer sans crainte que ces hypothèses, ou quelque autre de même nature, n’invoquant comme causes productrices de la matière vivante que des phénomènes purement physiques ou chimiques, sont les seules qui puissent nous permettre d’expliquer d’une façon scientifique l’apparition des organismes vivants sur notre globe.

Si nous sortions de ce domaine nous ne pourrions porter nos pas que sur le terrain de la métaphysique.

Le dilemme suivant se présente nettement à notre esprit : ou bien les êtres vivants ont été le résultat de phénomènes purement physiques et chimiques, ou bien il a fallu pour les produire l’intervention d’agents surnaturels que nous ne pouvons ni observer ni comprendre. La raison et la science s’accommodent de la première alternative, l’imagination et le sentiment peuvent seuls se contenter de la seconde.

Examinons maintenant en détail les diverses fonctions biologiques des organismes vivants les plus simples, ceux que nous avons désignés plus haut sous le nom de monères, et cherchons si leur accomplissement nécessite la production de phénomènes qu’il soit possible de distinguer fondamentalement de ceux que nous offrent les corps inorganiques. Nous parviendrons ainsi à établir les analogies et les différences qui existent entre la matière vivante dont les monères représentent les formes les plus rudimentaires et la matière non vivante.