Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/453

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» Il y a donc une liaison entre toutes les parties de cet univers. Le système général est formé de l’assemblage des systèmes particuliers, qui sont comme les différentes roues de la machine. Un insecte, une plante est un système particulier, une petite roue qui en fait mouvoir de plus grandes. »

Ch. Bonnet faisait suivre ces considérations d’un tableau dans lequel il tente de dresser une échelle des corps inorganiques et des êtres vivants.

Gœthe et le transformisme. En Allemagne, Gœthe se prononçait, vers la même époque, pour la théorie de la variabilité et de l’évolution des organismes. En 1796, près de cinquante ans après Buffon, — je prie le lecteur de ne pas oublier les dates, — il écrivait : « Nous en sommes arrivés à pouvoir affirmer sans crainte que toutes les formes les plus parfaites de la nature organique, par exemple, les poissons, les amphibies, les oiseaux, les mammifères, et, au premier rang de ces derniers, l’homme, ont tous été modelés sur un type primitif dont les parties les plus fixes en apparence ne varient que dans d’étroites limites et que, tous les jours encore, ces formes se développent et se métamorphosent en se reproduisant. » Déjà, en 1790, Gœthe avait, dans ses Métamorphoses des plantes, fourni un excellent argument à la doctrine du transformisme en montrant que dans les végétaux supérieurs les organes de la fleur ne sont que des feuilles modifiées, de même que plus tard il devait indiquer un lien étroit entre les mammifères et l’homme en montrant que chez tous ces êtres, la mâchoire supérieure est formée des mêmes os.

L’œuvre de Lamarck. Cependant, l’homme qui, à la fin du siècle dernier, fit le plus pour le triomphe de la doctrine de l’évolution est, sans contredit, Lamarck. Il me plaît de laisser établir le fait par un étranger. Voici ce que dit à cet égard le savant naturaliste allemand Ernst Hæckel[1] : « Pour la première fois, en 1801, le grand Lamarck énonça la théorie généalogique, que plus tard, en 1809, il exposa avec plus de développement dans sa classique Philosophie zoologique[2]. » Un peu plus loin, il dit encore[3] : « À lui revient l’impérissable gloire d’avoir, le premier, élevé la théorie de la descendance au rang d’une théorie scientifique indépendante, et d’avoir fait de la philosophie de la nature la base solide de la biologie tout entière. » Parlant de la Philosophie zoologique de Lamarck, il ajoute[4] : « Cette œuvre admirable est la première expression raisonnée, et strictement poussée jusqu’à ses dernières conséquences, de la doctrine généalogique. En considérant la nature organique à un point de vue purement mécanique, en établissant d’une manière rigoureusement philosophique la nécessité de ce point de vue, le travail de Lamarck domine de haut les idées dualistiques en vigueur de son temps, et,

  1. Histoire de la création naturelle, traduction française de Letourneau, p. 69.
  2. On a vu, par la citation faite plus haut, que le premier essai de Lamarck sur ce sujet date de sa Flore française, en 1778.
  3. Histoire de la création naturelle, p. 99.
  4. Ibid., p. 99.