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trai tout à l’heure, que les êtres vivants ont à lutter les uns contre les autres et avec les mille difficultés de la vie, qu’ils supportent un perpétuel combat contre les autres êtres organisés et contre les conditions physiques auxquelles ils sont soumis, combat dans lequel survivent ceux-là seuls qui sont les mieux doués, les mieux armés, ou, si l’on veut, les plus aptes à résister aux causes nombreuses de destruction qui les menacent. C’est ce qu’il nomme le struggle for life, le combat pour la vie, la lutte pour l’existence.

La sélection naturelle d’après Darwin. Le résultat de cette lutte, la persistance des plus aptes, est ce que Darwin appelle la sélection naturelle. Et il conclut que les espèces sauvages ont toutes été produites par la sélection naturelle. Je m’explique : il admet que certains individus d’une espèce déterminée peuvent naître accidentellement avec un caractère qui les rend plus aptes que tous les autres à résister aux causes de destruction ; ceux-là seuls survivront, et ils formeront la souche d’une espèce nouvelle, tandis que les autres disparaîtront. Je lui laisse la parole : « On peut encore se demander, dit-il[1], comment il se fait que les variétés que j’ai appelées espèces naissantes, ont fini par se convertir en espèces vraies et distinctes, lesquelles, dans la plupart des cas, diffèrent évidemment beaucoup plus les unes des autres que les variétés d’une même espèce ; comment se forment ces groupes d’espèces, qui constituent ce qu’on appelle des genres distincts, et qui diffèrent plus les uns des autres que les espèces du même genre.

» Tous ces résultats, comme nous l’expliquerons de façon plus détaillée dans le chapitre suivant, proviennent de la lutte pour l’existence. Grâce à cette lutte, les variations quelque faibles qu’elles soient, et de quelque cause qu’elles proviennent, tendent à préserver les individus d’une espèce et se transmettent ordinairement à leur descendance, pourvu qu’elles soient utiles à ces individus dans leurs rapports infiniment complexes avec les autres êtres organisés et avec les conditions physiques de la vie. Les descendants auront, eux aussi, en vertu de ce fait, une plus grande chance de survivre ; car, sur les individus d’une espèce quelconque nés périodiquement, un bien petit nombre peut survivre. J’ai donné à ce principe, en vertu duquel une variation si insignifiante qu’elle soit se conserve et se perpétue, si elle est utile, le nom de sélection naturelle, pour indiquer les rapports de cette sélection avec celle que l’homme peut accomplir. Mais l’expression qu’emploie souvent M. Herber Spencer : « la persistance du plus apte », est plus exacte et quelquefois tout aussi commode. »

On comprendra que je ne puisse pas m’adonner ici à une étude complète de la doctrine de Darwin. Je ne puis qu’en indiquer les grandes lignes. Si l’on a bien compris ce que j’en ai dit plus haut, on verra aisément que les motifs de la lutte pour l’existence sont de deux sortes : les animaux ou les

  1. Origine des espèces, p. 67.