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ADDITIONS

À L’ARTICLE QUI A POUR TITRE : DE L’EFFET DES PLUIES —
DES MARÉCAGES — DES BOIS SOUTERRAINS — DES EAUX SOUTERRAINES.



I. — Sur l’éboulement et l’emplacement de quelques terrains.

La rupture des cavernes et l’action des feux souterrains sont les principales causes des grands éboulements de la terre, mais souvent il s’en fait aussi par de plus petites causes ; la filtration des eaux, en délayant les argiles sur lesquelles portent les rochers de presque toutes les montagnes calcaires, a souvent fait pencher ces montagnes et causé des éboulements assez remarquables pour que nous devions en donner ici quelques exemples.

« En 1757, dit M. Perronet, une partie du terrain qui se trouve situé à mi-côte avant d’arriver au château de Croix-Fontaine, s’entr’ouvrit en nombre d’endroits et s’éboula successivement par parties ; le mur de terrasse qui retenait le pied de ces terres fut renversé, et on fut obligé de transporter plus loin le chemin qui était établi le long du mur… Ce terrain était porté sur une base de terre inclinée. » Ce savant et premier ingénieur de nos ponts et chaussées cite un autre accident de même espèce arrivé en 1733 à Pardines, près d’Issoire en Auvergne : le terrain, sur environ 400 toises de longueur et 300 toises de largeur, descendit sur une prairie assez éloignée, avec les maisons, les arbres et ce qui était dessus. Il ajoute que l’on voit quelquefois des parties considérables de terrains emportées, soit par des réservoirs supérieurs d’eau dont les digues viennent à se rompre, ou par une fonte subite de neiges. En 1757, au village de Guet, à dix lieues de Grenoble, sur la route de Briançon, tout le terrain, lequel est en pente, glissa et descendit en un instant vers le Drac, qui en est éloigné d’environ un tiers de lieue ; la terre se fendit dans le village, et la partie qui a glissé se trouve de 6, 8 et 9 pieds plus basse qu’elle n’était ; ce terrain était posé sur un rocher assez uni, et incliné à l’horizon d’environ 40 degrés[1].

Je puis ajouter à ces exemples un autre fait, dont j’ai eu tout le temps d’être témoin, et qui m’a même occasionné une dépense assez considérable. Le tertre isolé sur lequel sont situés la ville et le vieux château de Montbard est élevé de 140 pieds au-dessus de la rivière, et la côte la plus rapide est celle du nord-est : ce tertre est couronné de rochers calcaires dont les bancs pris ensemble ont 54 pieds d’épaisseur ; partout ils portent sur un massif de glaise, qui par conséquent a jusqu’à la rivière 66 pieds d’épaisseur ; mon jardin, environné de plusieurs terrasses, est situé sur le sommet de ce tertre ; une partie du mur, longue de 25 à 26 toises, de la dernière terrasse du côté du nord-est, où la pente est la plus rapide, a glissé tout d’une pièce en faisant refouler le terrain inférieur ; et il serait descendu jusqu’au niveau du terrain voisin de la rivière, si l’on n’eût pas prévenu son mouvement progressif en le démolissant : ce mur avait 7 pieds d’épaisseur, et il était fondé sur la glaise. Ce mouvement se fit très lentement ; je reconnus évidemment qu’il n’était occasionné que par le suintement des eaux ; toutes celles qui tombent sur la plate-forme du sommet de ce tertre pénètrent par les fentes des rochers jusqu’à 54 pieds sur le massif de glaise qui leur sert de base : on en est assuré par les deux puits qui sont sur la plate-forme et qui ont en effet 54 pieds de profondeur ; ils sont pratiqués du haut en

  1. Histoire de l’Académie des sciences, année 1769, p. 233 et suiv.