Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/61

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seront durcies par leur propre poids, les unes formées de parties purement argileuses auront produit ces collines de glaise qu’on trouve en tant d’endroits ; d’autres, composées de parties sablonneuses et cristallines, ont fait ces énormes amas de rochers et de cailloux d’où l’on tire le cristal et les pierres précieuses ; d’autres, faites de parties pierreuses mêlées de coquilles, ont formé ces lits de pierres et de marbres où nous retrouvons ces coquilles aujourd’hui ; d’autres enfin, composées d’une matière encore plus coquilleuse et plus terrestre, ont produit les marnes, les craies et les terres ; toutes sont posées par lits, toutes contiennent des substances hétérogènes, les débris des productions marines s’y trouvent en abondance et à peu près suivant le rapport de leur pesanteur : les coquilles les plus légères sont dans les craies, les plus pesantes dans les argiles et dans les pierres, et elles sont remplies de la matière même des pierres et des terres où elles sont renfermées, preuve incontestable qu’elles ont été transportées avec la matière qui les environne et qui les remplit, et que cette matière était réduite en particules impalpables ; enfin toutes ces matières, dont la situation s’est établie par le niveau des eaux de la mer, conservent encore aujourd’hui leur première position[NdÉ 1].

On pourra nous dire que la plupart des collines et des montagnes dont le sommet est de rocher, de pierre ou de marbre, ont pour base des matières plus légères ; que ce sont ordinairement ou des monticules de glaise ferme et solide, ou des couches de sable qu’on retrouve dans les plaines voisines jusqu’à une distance assez grande, et on nous demandera comment il est arrivé que ces marbres et ces rochers se soient trouvés au-dessus de ces sables et de ces glaises. Il me paraît que cela peut s’expliquer assez naturellement ; l’eau aura d’abord transporté la glaise ou le sable qui faisait la première couche des côtes ou du fond de la mer, ce qui aura produit au bas une éminence composée de tout ce sable ou de toute cette glaise rassemblée ; après cela, les matières plus fermes et plus pesantes qui se seront trouvées au-dessous auront été attaquées et transportées par les eaux en poussière impalpable au-dessus de cette éminence de glaise ou de sable, et cette poussière de pierre aura formé les rochers et les carrières que nous trouvons au-dessus des collines. On peut croire qu’étant les plus pesantes, ces matières étaient autrefois au-dessous des autres, et qu’elles sont aujourd’hui au-dessus, parce qu’elles ont été enlevées et transportées les dernières par le mouvement des eaux.

Pour confirmer ce que nous avons dit, examinons encore plus en détail

  1. La façon dont Buffon explique la formation des montagnes est, comme je l’ai dit plus haut, tout à fait erronée. Il suppose qu’elles ont été produites, dans la mer, par l’accumulation de matériaux entraînés par les eaux et déposés en certains points. Il est aujourd’hui démontré qu’elles se forment par le soulèvement lent de certains points de la surface du globe, soulèvement qui est accompagné d’abaissement d’autres points de cette surface.