Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/104

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de son enveloppe, il est évident que le fait est faux ; il a cru voir ce qu’il dit, mais il s’est trompé, car cet embryon, tel qu’il le décrit, aurait été plus formé au sortir de son enveloppe, et en quittant sa condition de ver spermatique, qu’il ne l’est en effet au bout d’un mois ou de cinq semaines dans la matrice même de la mère ; aussi cette observation de Dalenpatius, au lieu d’avoir été confirmée par d’autres observations, a été rejetée de tous les naturalistes, dont les plus exacts et les plus exercés à observer n’ont vu dans cette liqueur de l’homme que de petits corps ronds ou oblongs qui paraissaient avoir de longues queues, mais sans autre organisation extérieure, sans membres, comme sont aussi ces petits corps dans la semence de tous les autres animaux.

On pourrait dire que Platon avait deviné ces animaux spermatiques qui deviennent des hommes ; car il dit à la fin du Timée, page 1088, trad. de Marc Ficin : « Vulva quoque matrisque in fœminis eâdem ratione animal avidum generandi, quando procul à fœtu per ætatis florem, aut ultrà dintiùs detinetur, ægrè fert moram ac plurimùm indignatur, passimque per corpus oberrans, meatus spiritûs intercludit, respirare non sinit, extremis vexat angustiis, morbis denique omnibus premit, quousque utrorumque cupido amorque quasi ex arboribus fœtum fructumve producunt, ipsum deinde decerpunt, et in matricem velut agrum inspergunt : hinc animalia primùm talia, ut nec propter parvitatem videantur, necdum appareant formata, concipiunt ; mox quæ conflaverant, explicant, ingentia intùs enutriunt, demùm educunt in lucem, animaliumque generationem perficiunt. » Hippocrate, dans son traité de Diætâ, paraît insinuer aussi que les semences d’animaux sont remplies d’animalcules ; Démocrite parle de certains vers qui prennent la figure humaine ; Aristote dit que les premiers hommes sortirent de la terre sous la forme de vers ; mais ni l’autorité de Platon, d’Hippocrate, de Démocrite et d’Aristote, ni l’observation de Dalenpatius, ne feront recevoir cette idée que ces vers spermatiques sont de petits hommes cachés sous une enveloppe, car elle est évidemment contraire à l’expérience et à toutes les autres observations.

Valisnieri et Bourguet, que nous avons cités, ayant fait ensemble des observations sur la semence d’un lapin, y virent de petits vers dont l’une des extrémités était plus grosse que l’autre ; ils étaient fort vifs, ils partaient d’un endroit pour aller à un autre, et frappaient la liqueur de leur queue ; quelquefois ils s’élevaient, quelquefois ils s’abaissaient, d’autres fois ils se tournaient en rond et se contournaient comme des serpents ; enfin, dit Valisnieri, je reconnus clairement qu’ils étaient de vrais animaux : « e gli riconobbi, e gli giudicai senza dubitamento alcuno per veri, verissimi, arciverissimi vermi. » (Voyez Opere del Cav. Valisnieri, t. II, p. 105, 1re  col.) Cet auteur, qui était prévenu du système des œufs, n’a pas laissé d’admettre les vers spermatiques et de les reconnaître, comme l’on voit, pour de vrais animaux.