Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/105

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M. Andry, ayant fait des observations sur ces vers spermatiques de l’homme, prétend qu’ils ne se trouvent que dans l’âge propre à la génération ; que dans la première jeunesse et dans la grande vieillesse ils n’existent point ; que dans les sujets incommodés de maladies vénériennes on n’en trouve que peu, et qu’ils y sont languissants et morts pour la plupart ; que dans les parties de la génération des impuissants on n’en voit aucun qui soit en vie ; que ces vers dans l’homme ont la tête, c’est-à-dire l’une des extrémités, plus grosse, par rapport à l’autre extrémité, qu’elle ne l’est dans les autres animaux ; ce qui s’accorde, dit-il, avec la figure du fœtus et de l’enfant, dont la tête en effet est beaucoup plus grosse, par rapport au corps, que celle des adultes, et il ajoute que les gens qui font trop d’usage des femmes n’ont ordinairement que très peu ou point du tout de ces animaux.

Leeuwenhoek, Andry et plusieurs autres s’opposèrent donc de toutes leurs forces au système des œufs ; ils avaient découvert dans la semence de tous les mâles des animalcules vivants ; ils prouvaient que ces animalcules ne pouvaient être regardés comme des habitants de cette liqueur, puisque leur volume était plus grand que celui de la liqueur même ; que d’ailleurs on ne trouvait rien de semblable ni dans le sang, ni dans les autres liqueurs du corps des animaux ; ils disaient que les femelles ne fournissant rien de pareil, rien de vivant, il était évident que la fécondité qu’on leur attribuait appartenait au contraire aux mâles ; qu’il n’y avait que dans la semence de ceux-ci où l’on vît quelque chose de vivant, que ce que l’on y voyait était de vrais animaux, et que ce fait tout seul avançait plus l’explication de la génération que tout ce qu’on avait imaginé auparavant, puisqu’en effet ce qu’il y a de plus difficile à concevoir dans la génération c’est la production du vivant, que tout le reste est accessoire, et qu’ainsi on ne pouvait pas douter que ces petits animaux ne fussent destinés à devenir des hommes ou des animaux parfaits de chaque espèce ; et lorsqu’on opposait aux partisans de ce système qu’il ne paraissait pas naturel d’imaginer que de plusieurs millions d’animalcules, qui tous pouvaient devenir un homme, il y en eût qu’un seul qui eût cet avantage ; lorsqu’on leur demandait pourquoi cette profusion inutile de germes d’hommes, ils répondaient que c’était la magnificence ordinaire de la nature ; que dans les plantes et dans les arbres on voyait bien que de plusieurs millions de graines qu’ils produisent naturellement il n’en réussit qu’un très petit nombre, et qu’ainsi on ne devait point être étonné de celui des animaux spermatiques, quelque prodigieux qu’il fût. Lorsqu’on leur objectait la petitesse infinie du ver spermatique, comparé à l’homme, ils répondaient par l’exemple de la graine des arbres, de l’orme, par exemple, laquelle comparée à l’individu parfait est aussi fort petite ; et ils ajoutaient, avec assez de fondement, des raisons métaphysiques par lesquelles ils prouvaient que le grand et le petit n’étant que des relations, le passage du petit au grand ou du grand au petit s’exé-