Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/106

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cute par la nature avec encore plus de facilité que nous n’en avons à le concevoir.

D’ailleurs, disaient-ils, n’a-t-on pas des exemples très fréquents de transformation dans les insectes ? ne voit-on pas de petits vers aquatiques devenir des animaux ailés par un simple dépouillement de leur enveloppe, laquelle cependant était leur forme extérieure et apparente ? les animaux spermatiques, par une pareille transformation, ne peuvent-ils pas devenir des animaux parfaits ? Tout concourt donc, concluaient-ils, à favoriser ce système sur la génération, et à faire rejeter le système des œufs ; et si l’on veut absolument, disaient quelques-uns, que dans les femelles des vivipares il y ait des œufs comme dans celles des ovipares, ces œufs dans les unes et dans les autres ne seront que la matière nécessaire à l’accroissement du ver spermatique, il entrera dans l’œuf par le pédicule qui l’attachait à l’ovaire, il y trouvera une nourriture préparée pour lui ; tous les vers qui n’auront pas été assez heureux pour rencontrer cette ouverture du pédicule de l’œuf périront, celui qui seul aura enfilé ce chemin arrivera à sa transformation : c’est par cette raison qu’il existe un nombre prodigieux de ces petits animaux ; la difficulté de rencontrer un œuf et ensuite l’ouverture du pédicule de cet œuf ne peut être compensée que par le nombre infini des vers ; il y a un million, si l’on veut, à parier contre un, qu’un tel ver spermatique ne rencontrera pas le pédicule de l’œuf, mais aussi il y a un million de vers ; dès lors il n’y a plus qu’un à parier contre un que le pédicule de l’œuf sera enfilé par un de ces vers ; et lorsqu’il y est une fois entré et qu’il s’est logé dans l’œuf, un autre ne peut plus y entrer, parce que, disaient-ils, le premier ver bouche entièrement le passage, ou bien il y a une soupape à l’entrée du pédicule qui peut jouer lorsque l’œuf n’est pas absolument plein, mais lorsque le ver a achevé de remplir l’œuf la soupape ne peut s’ouvrir, quoique poussée par un second ver ; cette soupape d’ailleurs est fort bien imaginée, parce que, s’il prend envie au premier ver de ressortir de l’œuf, elle s’oppose à son départ, il est obligé de rester et de se transformer ; le ver spermatique est alors le vrai fœtus, la substance de l’œuf le nourrit, les membranes de cet œuf lui servent d’enveloppe, et lorsque la nourriture contenue dans l’œuf commence à lui manquer, il s’applique à la peau intérieure de la matrice et tire ainsi sa nourriture du sang de la mère, jusqu’à ce que, par son poids et l’augmentation de ses forces, il rompe enfin ses liens pour venir au monde.

Par ce système, ce n’est plus la première femme qui renfermait toutes les races passées, présentes et futures, mais c’est le premier homme qui en effet contenait toute sa postérité ; les germes préexistants ne sont plus des embryons sans vie renfermés comme de petites statues dans des œufs contenus à l’infini les uns dans les autres, ce sont de petits animaux, de petits homoncules organisés et actuellement vivants, tous renfermés les uns dans les autres, auxquels il ne manque rien, et qui deviennent des animaux parfaits et des