Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/207

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que produit la piqûre d’une abeille sur les lèvres des enfants : toutes ces altérations ne peuvent arriver que par l’action d’une cause extérieure, c’est-à-dire par la pénétration de quelque partie de la liqueur séminale du mâle dans la substance même de la matrice[NdÉ 1] ; cette pénétration n’est point un effet superficiel qui s’opère uniquement à la surface, soit extérieure, soit intérieure, des vaisseaux qui constituent la matrice, et de toutes les autres parties dont ce viscère est composé ; mais c’est une pénétration intime, semblable à celle de la nutrition et du développement : c’est une pénétration dans toutes les parties du moule intérieur de la matrice, opérée par des forces semblables à celles qui contraignent la nourriture à pénétrer le moule intérieur du corps, et qui en produisent le développement sans en changer la forme.

On se persuadera facilement que cela est ainsi, lorsque l’on fera réflexion que la matrice dans le temps de la grossesse non seulement augmente en volume, mais encore en masse, et qu’elle a une espèce de vie, ou, si l’on veut, une végétation ou un développement qui dure et va toujours en augmentant jusqu’au temps de l’accouchement ; car si la matrice n’était qu’un sac, un récipient destiné à recevoir la semence et à contenir le fœtus, on verrait cette espèce de sac s’étendre et s’amincir à mesure que le fœtus augmenterait en grosseur, et alors il n’y aurait qu’une extension, pour ainsi dire, superficielle des membranes qui composent ce viscère ; mais l’accroissement de la matrice n’est pas une simple extension ou une dilatation à l’ordinaire : non seulement la matrice s’étend à mesure que le fœtus augmente, mais elle prend en même temps de la solidité, de l’épaisseur, elle acquiert, en un mot, du volume et de la masse en même temps ; cette espèce d’augmentation est un vrai développement, un accroissement semblable à celui de toutes les autres parties du corps, lorsqu’elles se développent, qui dès lors ne peut être produit que par la pénétration intime des molécules organiques analogues à la substance de cette partie ; et comme ce développement de la matrice n’arrive jamais que dans le temps de l’imprégnation, et que cette imprégnation suppose nécessairement l’action de la liqueur du mâle, ou tout au moins qu’elle en est l’effet, on ne peut pas douter que ce ne soit la liqueur du mâle qui produise cette altération à la matrice, et que cette liqueur ne soit la première cause de ce développement, de cette espèce de végétation et d’accroissement que ce viscère prend avant même que le fœtus soit assez gros et qu’il ait assez de volume pour le forcer à se dilater.

Il paraît de même tout aussi certain, par mes expériences, que la femelle a une liqueur séminale qui commence à se former dans les testicules, et qui achève de se perfectionner dans les corps glanduleux ; cette liqueur

  1. Les modifications présentées par l’utérus après la fécondation sont dues à une augmentation considérable de l’activité de la circulation dans cet organe.