Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/283

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perte, celles qui se sont dissipées par les ouvertures, et celles qui ont été absorbées pour l’entretien et pour la vie des animalcules fugitifs qui y étaient arrêtés, auraient servi à la génération d’un plus grand nombre.

» Car il est évident que lorsqu’une substance organique se démonte, et que les parties qui la composent se séparent et semblent se découdre, de quelque manière que leur dépérissement se fasse, abandonnées à leur action naturelle, elles sont nécessitées à produire des animalcules particuliers à elles-mêmes. Ces faits sont vérifiés par une suite d’observations exactes. Il est certain qu’ordinairement les corps des animaux herbivores et frugivores, dont l’instinct détermine la pâture et règle l’appétit, sont couverts, après la mort, des mêmes insectes qu’on voit voltiger et abonder sur les plantes et les fruits pourris dont ils se nourrissent. Ce qui est d’autant plus digne de recherche et facile à remarquer, qu’un grand nombre d’entre eux ne vivent que d’une seule plante ou des fruits d’un même genre. D’habiles naturalistes se sont servis de cette voie d’analogie pour découvrir les vertus des plantes ; et Fabius Columna a cru devoir attribuer les mêmes propriétés et le même caractère à toutes celles qui servent d’asile et de pâture à la même espèce d’insecte, et les a rangées dans la même classe.

» Le P. Bonanni, qui défend la génération spontanée, soutient que toute fleur particulière, toute matière diverse, produit par la putréfaction constamment et nécessairement une certaine espèce de vers ; en effet, tous les corps organisés qui ne dégénèrent point, qui ne se dénaturent par aucun moyen, et qui vivent toujours d’une manière régulière et uniforme, ont une façon d’être qui leur est particulière et des attributs immuables qui les caractérisent. Les molécules nutritives, qu’ils puisent en tout temps dans une même source, conservent une similitude, une salubrité, une analogie, une forme et des dimensions qui leur sont communes ; parfaitement semblables à celles qui constituent leur substance organique, elles se trouvent toujours chez eux sans alliage, sans aucun mélange hétérogène. La même force distributive les porte, les assortit, les applique, les adapte et les contient dans toutes les parties avec une exactitude égale et une justesse symétrique ; elles subissent peu de changements et de préparations ; leur disposition, leur arrangement, leur énergie, leur contexture et leurs facultés intrinsèques, ne sont altérées que le moins qu’il est possible, tant elles approchent du tempérament et de la nature du corps qu’elles maintiennent et qu’elles reproduisent ; et lorsque l’âge et les injures du temps, quelque état forcé ou un accident imprévu et extraordinaire, viennent à saper ou à détruire leur assemblage, elles jouissent encore, en se désunissant, de leur simplicité, de leur homogénéité, de leur rapport essentiel, de leur action univoque ; elles conservent une