Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/307

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C’est, à la vérité, de cette organisation extérieure que dépend la facilité, la vitesse, la direction, la continuité, etc., du mouvement ; mais la cause, le principe, l’action, la détermination, viennent uniquement du désir occasionné par l’impression des objets sur les sens : car supposons maintenant que, la conformation extérieure étant toujours la même, un homme se trouvât privé successivement de ses sens, il ne changera pas de lieu pour satisfaire ses yeux, s’il est privé de la vue ; il ne s’approchera pas pour entendre, si le son ne fait aucune impression sur son organe ; il ne fera jamais aucun mouvement pour respirer une bonne odeur ou pour en éviter une mauvaise, si son odorat est détruit ; il en est de même du toucher et du goût, si ces deux sens ne sont plus susceptibles d’impression, il n’agira pas pour les satisfaire ; cet homme demeurera donc en repos, et perpétuellement en repos, rien ne pourra le faire changer de situation et lui imprimer le mouvement progressif, quoique par sa conformation extérieure il fût parfaitement capable de se mouvoir et d’agir.

Les besoins naturels, celui, par exemple, de prendre de la nourriture, sont des mouvements intérieurs dont les impressions font naître le désir, l’appétit, et même la nécessité ; ces mouvements intérieurs pourront donc produire des mouvements extérieurs dans l’animal, et pourvu qu’il ne soit pas privé de tous les sens extérieurs, pourvu qu’il ait un sens relatif à ses besoins, il agira pour les satisfaire. Le besoin n’est pas le désir ; il en diffère comme la cause diffère de l’effet, et il ne peut le produire sans le concours des sens. Toutes les fois que l’animal aperçoit quelque objet relatif à ses besoins, le désir ou l’appétit naît, et l’action suit.

Les objets extérieurs exerçant leur action sur les sens, il est donc nécessaire que cette action produise quelque effet, et on concevrait aisément que l’effet de cette action serait le mouvement de l’animal, si, toutes les fois que ses sens sont frappés de la même façon, le même effet, le même mouvement succédait toujours à cette impression ; mais comment entendre cette modification de l’action des objets sur l’animal, qui fait naître l’appétit ou la répugnance ? comment concevoir ce qui s’opère au delà des sens à ce terme moyen entre l’action des objets et l’action de l’animal ? opération dans laquelle cependant consiste le principe de la détermination du mouvement puisqu’elle change et modifie l’action de l’animal, et qu’elle la rend quelquefois nulle malgré l’impression des objets.

Cette question est d’autant plus difficile à résoudre qu’étant, par notre nature, différents des animaux[NdÉ 1], l’âme a part à presque tous nos mouvements, et peut-être à tous, et qu’il nous est très difficile de distinguer les effets de l’action de cette substance spirituelle de ceux qui sont produits par

  1. Buffon dit vingt fois le contraire. Je ne puis voir dans tout ce passage qu’une satisfaction donnée aux préjugés de son milieu. Tout ce que va dire Buffon dans les pages suivantes est, en effet, en contradiction avec ce qu’il a écrit dans les pages précédentes.