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DES MULETS


DES MULETS[1]

En conservant le nom de mulet à l’animal qui provient de l’âne et de la jument, nous appellerons bardot celui qui a le cheval pour père et l’ânesse pour mère. Personne n’a jusqu’à présent observé les différences qui se trouvent entre ces deux animaux d’espèce mélangée. C’est néanmoins l’un des plus sûrs moyens que nous ayons pour reconnaître et distinguer les rapports de l’influence du mâle et de la femelle dans le produit de la génération. Les observations comparées de ces deux mulets, et des autres métis qui proviennent de deux espèces différentes, nous indiqueront ces rapports plus précisément et plus évidemment que ne le peut faire la simple comparaison de deux individus de la même espèce[NdÉ 1].

Nous avons fait représenter le mulet et le bardot, afin que tout le monde soit en état de les comparer, comme nous allons le faire nous-mêmes. D’abord, le bardot est beaucoup plus petit que le mulet, il paraît donc tenir de sa mère l’ânesse les dimensions du corps ; et le mulet, beaucoup plus grand et plus gros que le bardot, les tient également de la jument sa mère ; la grandeur et la grosseur du corps paraissent donc dépendre plus de la mère que du père dans les espèces mélangées. Maintenant, si nous considérons la forme du corps, ces deux animaux, vus ensemble, paraissent être d’une figure différente : le bardot a l’encolure plus mince, le dos plus tranchant, en forme de dos de carpe, la croupe plus pointue et avalée, au lieu que le mulet a l’avant-main mieux fait, l’encolure plus belle et plus fournie,

  1. Cet article doit être regardé comme une addition à ce que j’ai déjà dit au sujet des mulets dans le discours qui a pour titre : De la dégénération des animaux.
  1. Dans ce remarquable mémoire, Buffon s’attache à établir qu’il est possible de féconder, l’une par l’autre, des espèces voisines, que de ces croisements peuvent naître des produits et, enfin, que ces derniers ne sont pas, quoiqu’on en ait dit, fatalement frappés de stérilité. Il apporte ainsi un des arguments les plus solides qui aient été fournis contre l’immutabilité des espèces.