Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/396

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les côtes plus arrondies, la croupe plus pleine et la hanche plus unie[1]. Tous deux tiennent donc plus de la mère que du père non seulement pour la grandeur, mais aussi pour la forme du corps. Néanmoins, il n’en est pas de même de la tête, des membres et des autres extrémités du corps. La tête du bardot est plus longue et n’est pas si grosse à proportion que celle de l’âne, et celle du mulet est plus courte et plus grosse que celle du cheval. Ils tiennent donc, pour la forme et les dimensions de la tête, plus du père que de la mère. La queue du bardot est garnie de crins à peu près comme celle du cheval ; la queue du mulet est presque nue comme celle de l’âne ; ils ressemblent donc encore à leur père par cette extrémité du corps. Les oreilles du mulet sont plus longues que celles du cheval, et les oreilles du bardot sont plus courtes que celles de l’âne ; ces autres extrémités du corps appartiennent donc aussi plus au père qu’à la mère. Il en est de même de la forme des jambes : le mulet les a sèches comme l’âne, et le bardot les a plus fournies ; tous deux ressemblent donc, par la tête, par les membres et par les autres extrémités du corps, beaucoup plus à leur père qu’à leur mère.

Dans les années 1751 et 1752, j’ai fait accoupler deux boucs avec plusieurs brebis, et j’en ai obtenu neuf mulets, sept mâles et deux femelles : frappé de cette différence du nombre des mâles mulets à celui des femelles, je fis quelques observations pour tâcher de savoir si le nombre des mulets mâles, qui proviennent de l’âne et de la jument, excède à peu près dans la même proportion le nombre des mules ; aucune des réponses que j’ai reçues ne détermine cette proportion, mais toutes s’accordent à faire le nombre des mâles mulets plus grand que celui des femelles. On verra dans la suite que M. le marquis de Spontin-Beaufort, ayant fait accoupler un chien avec une louve, a obtenu quatre mulets, trois mâles et une femelle[2]. Enfin, ayant fait des questions sur des mulets plus aisés à procréer, j’ai su que, dans les oiseaux mulets, le nombre des mâles excède encore beaucoup plus le nombre des mulets femelles. J’ai dit, à l’article du serin des Canaries, que de dix-neuf petits provenus d’une serine et d’un chardonneret, il n’y en avait que trois femelles. Voilà les seuls faits que je puisse présenter comme certains sur ce sujet[3], dont il ne paraît pas qu’on se soit jamais occupé,

  1. Observations communiquées par le sieur de la Fosse, maréchal très expérimenté. À Paris, en 1753.
  2. Extrait d’une lettre de M. le marquis de Spontin-Beaufort, à M. de Buffon, datée de Namur, le 14 juillet 1773 ; confirmée par deux lettres de M. Surirey de Boissy, aussi datées de Namur, les 9 juin et 19 juillet 1773.
  3. Ce que je trouve dans différents auteurs au sujet des jumarts me paraît très suspect. Le sieur Léger, dans son histoire du Vaudois, année 1669, dit que, « dans les vallées de Piémont, il y a des animaux d’espèces mélangées, et qu’on les appelle jumarts ; que quand ils sont engendrés par un taureau et une jument, on les nomme baf ou buf, et que quand ils sont engendrés par un taureau et une ânesse, on les appelle bif ; que ces jumarts n’ont point de cornes, et qu’ils sont de la taille d’un mulet ; qu’ils sont très légers à la course ;