Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/478

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impossible de distinguer ceux qui appartiennent en propre à l’un ou à l’autre, au lieu que les insectes et les reptiles sont à peu près comme les quadrupèdes confinés chacun dans son continent.

Voyons donc pourquoi il se trouve de si grands reptiles, de si gros insectes, de si petits quadrupèdes et des hommes si froids dans ce nouveau monde. Cela tient à la qualité de la terre, à la condition du ciel, au degré de chaleur, à celui d’humidité, à la situation, à l’élévation des montagnes, à la quantité des eaux courantes ou stagnantes, à l’étendue des forêts, et surtout à l’état brut dans lequel on y voit la nature. La chaleur est, en général, beaucoup moindre dans cette partie du monde, et l’humidité beaucoup plus grande : si l’on compare le froid et le chaud dans tous les degrés de latitude, on trouvera qu’à Québec, c’est-à-dire sous celle de Paris, l’eau des fleuves gèle tous les ans de quelques pieds d’épaisseur, qu’une masse encore plus épaisse de neige y couvre la terre pendant plusieurs mois, que l’air y est si froid que tous les oiseaux fuient et disparaissent pour tout l’hiver, etc. ; cette différence de température sous la même latitude dans la zone tempérée, quoique très grande, l’est peut-être encore moins que celle de la chaleur sous la zone torride : on brûle au Sénégal, et sous la même ligne on jouit d’une douce température au Pérou ; il en est de même sous toutes les autres latitudes qu’on voudra comparer. Le continent de l’Amérique est situé et formé de façon que tout concourt à diminuer l’action de la chaleur ; on y trouve les plus hautes montagnes, et par la même raison les plus grands fleuves du monde : ces hautes montagnes forment une chaîne qui semble borner vers l’Ouest le continent dans toute sa longueur ; les plaines et les basses terres sont toutes situées en deçà des montagnes, et s’étendent depuis leur pied jusqu’à la mer, qui, de notre côté, sépare les continents : ainsi le vent d’est qui, comme l’on sait, est le vent constant et général entre les tropiques, n’arrive en Amérique qu’après avoir traversé une très vaste étendue d’eau sur laquelle il se rafraîchit ; et c’est par cette raison qu’il fait beaucoup moins chaud au Brésil, à Cayenne, etc., qu’au Sénégal, en Guinée, etc., où ce même vent d’est arrive chargé de la chaleur de toutes les terres et des sables brûlants qu’il parcourt en traversant et l’Afrique et l’Asie. Qu’on se rappelle ce que nous avons dit au sujet de la différente couleur des hommes, et en particulier de celle des nègres ; il paraît démontré que la teinte plus ou moins forte du tanné, du brun et du noir dépend entièrement de la situation du climat ; que les nègres de Nigritie et ceux de la côte occidentale de l’Afrique sont les plus noirs de tous, parce que ces contrées sont situées de manière que la chaleur y est constamment plus grande que dans aucun autre endroit du globe, le vent d’est avant d’y arriver ayant à traverser des trajets de terres immenses ; qu’au contraire les Indiens méridionaux ne sont que tannés, et les Brésiliens bruns, quoique sous la même latitude que les nègres, parce que la chaleur de leur climat