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THÉORIE DE LA TERRE.

degrés ; que dans cette route il avoit trouvé une haute mer sans aucune glace : ce qui prouve que les glaces se forment auprès des terres, et jamais en pleine mer ; car quand même on voudroit supposer, contre toute apparence, qu’il pourroit faire assez froid au pôle pour que la superficie de la mer fût gelée, on ne concevroit pas comment ces énormes glaces qui flottent pourroient se former, si elles ne trouvoient pas un point d’appui contre les terres, d’où ensuite elle se détachent par la chaleur du soleil. Les deux vaisseaux que la compagnie des Indes envoya en 1739 à la découverte des terres australes, trouvèrent des glaces à une latitude de 47 ou 48 degrés ; mais ces glaces n’étoient pas fort éloignées des terres, puisqu’ils les reconnurent, sans cependant pouvoir y aborder[1]. Ces glaces doivent venir des terres intérieures et voisines du pôle austral, et on peut conjecturer qu’elles suivent le cours de plusieurs grands fleuves dont ces terres inconnues sont arrosées, de même que le fleuve Oby, le Jénisca, et les autres grandes rivières qui tombent dans les mers du Nord, entraînent les glaces qui bouchent, pendant la plus grande partie de l’année, le détroit de Waigats, et rendent inabordable la mer de Tartarie par cette route, tandis qu’au delà de la Nouvelle-Zemble et plus près des pôles, où il y a peu de fleuves et de terres, les glaces sont moins communes et la mer est plus navigable ; en sorte que si on vouloit encore tenter le voyage de la Chine et du Japon par les mers du Nord, il faudroit peut-être, pour s’éloigner le plus des terres et des glaces, diriger sa route droit au pôle, et chercher les plus hautes mers, où certaine-

  1. Voyez sur cela la carte de M. Buache, 1759.