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ART. VI. GÉOGRAPHIE.

ment il n’y a que peu ou point de glaces ; car on sait que l’eau salée peut, sans se geler, devenir beaucoup plus froide que l’eau douce glacée, et par conséquent le froid excessif du pôle peut bien rendre l’eau de la mer plus froide que la glace, sans que pour cela la surface de la mer se gèle, d’autant plus qu’à 80 ou 82 degrés, la surface de la mer, quoique mêlée de beaucoup de neige et d’eau douce, n’est glacée qu’auprès des côtes. En recueillant les témoignages des voyageurs sur le passage de l’Europe à la Chine par la mer du Nord, il paroît qu’il existe, et que s’il a été si souvent tenté inutilement, c’est parce qu’on a toujours craint de s’éloigner des terres et de s’approcher du pôle : les voyageurs l’ont peut-être regardé comme un écueil.

Cependant Guillaume Barents, qui avoit échoué, comme bien d’autres, dans son voyage du Nord, ne doutoit pas qu’il n’y eût un passage, et que s’il se fût plus éloigné des terres, il n’eût trouvé une mer libre et sans glaces. Des voyageurs moscovites, envoyés par le czar pour reconnoître les mers du nord, rapportèrent que la Nouvelle-Zemble n’est point une île, mais une terre ferme du continent de la Tartarie, et qu’au nord de la Nouvelle-Zemble c’est une mer libre et ouverte. Un voyageur hollandois nous assure que la mer jette de temps en temps, sur la côte de Corée et du Japon, des baleines qui ont sur le dos des harpons anglois et hollandois. Un autre Hollandois a prétendu avoir été jusque sous le pôle, et assuroit qu’il y faisoit aussi chaud qu’il fait à Amsterdam en été. Un Anglois nommé Goulden, qui avoit fait plus de trente voyages en Groenland, rapporta au roi Charles II que deux