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débitant de bière d’épinette. De là encore la banalité, l’absence d’idées, le ressassement de lieux communs que l’on remarque dans une foule de productions qui voient le jour, on ne sait pas pourquoi. Les idées sont comme l’éclair, il faut qu’elles jaillissent. Quand on en a, on ne peut résister à l’impulsion qui les pousse au dehors. Nous ne lisons plus les maîtres, les grands écrivains du dix-septième et du dix-huitième siècle qui ont formé la langue. La nourriture n’est plus saine et forte, mais elle est indéfiniment variée, assaisonnée, épicée, et l’on forme ainsi les dyspeptiques de l’intelligence comme on fait les dyspeptiques de l’estomac. Le torrent du journalisme emporte tout sur son passage. À une époque où l’on peut avoir en une heure des nouvelles de tous les points du globe, on veut suivre, au jour le jour, non seulement les événements, sans digérer, sans réfléchir, sans rien s’assimiler, mais on vaut connaître encore jusqu’aux plus petits détails, jusqu’au menu de la chronique universelle. Les journaux reproduiront n’importe quelle dépêche, et il faudra avaler, avant ou après son déjeuner, trois à quatre colonnes de niaiseries, de traductions épouvantables, d’énormes bévues géographiques et historiques, et une suite interminable de faits divers sans intérêt, attachés les uns à la suite des autres, comme des coquilles à la queue d’un chat. Comment veut-on que l’existence quo-