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rer d’un doigt rapide, retenu par toutes sortes de considérations et de condescendances. Je ne me suis attaché qu’à un certain nombre d’anglicismes, de canadianismes, d’expressions vicieuses, à quelque origine qu’elles appartiennent, de tournures de phrase ridicules ou baroques qu’il est comparativement aisé de faire disparaître, si l’on veut bien se corriger de ses prétentions et admettre qu’on a beaucoup à apprendre. Que serait-ce si j’abordais le fond même des choses, si je faisais voir le galimatias dans lequel nous pataugeons sous le nom de style, dans quel vide absolu d’idées flottent bon nombre de ces choses qu’on appelle des écrits et qui nous arrivent sous toutes les formes connues de la publicité, depuis la brochure de dix pages jusqu’au volume de quatre cents ! J’en aurais pour toute une année de chroniques quotidiennes de trois colonnes chacune.

Je ferais voir le grand nombre de périls qui nous entourent, et jusqu’à quel point les défauts de notre langage résultent d’un défaut moral, d’un excès de prétention et d’outrecuidance qui nous empêche d’admettre notre insuffisance, et de nous corriger.

Ce défaut moral est poussé si loin chez les canadiens que toute critique littéraire est impossible, et que nous sommes affligés annuellement de productions qui ne sont que d’écœurants bousillages. Que dis-je ! Ce n’est pas seulement la critique qui