Page:Buies - Anglicismes et canadianismes, 1888.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 86 —

est impossible, mais une simple analyse le devient également si elle est consciencieuse, raisonnée et dégagée de funestes complaisances. Funestes, non pas seulement parce qu’elles empêchent de prétendus écrivains de retourner à leur véritable métier de maçons, mais surtout parce qu’elles pervertissent l’esprit et le goût public, parce qu’elles dégoûtent les hommes de valeur, parce qu’elles ouvrent les portes toutes grandes à l’incapacité présomptueuse et à la suffisance couronnée de prix de collège, parce qu’elles mènent droit à la flagornerie, à la hâblerie, au charlatanisme qui sont un des fléaux du journalisme moderne, enfin, à l’absence complète d’examen, laquelle provient de celle du raisonnement.

Dans le cours de notre éducation toute de surface, nous avons si peu appris à raisonner, à faire des analyses réfléchies et serrées, à faire des comparaisons, à exercer le discernement, que cela devient plus tard le moindre de nos soucis. Aussi accepte-t-on, sans faire de différences, tout ce qui se présente. On n’examine et on ne juge rien en soi, et, pour ne parler que d’un moindre mal, l’à peu près, la routine, l’adoption aveugle du convenu trônent dans les choses imprimées comme dans l’agriculture, comme dans les constructions, comme dans la cuisine, où il est impossible d’introduire le raisonnement et de faire sortir les gens des sentiers battus, des manières de faire conve-