Page:Buies - Anglicismes et canadianismes, 1888.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 10 —

ritables contorsions, à des constructions dont le sens comme l’origine échappent à ceux qui ne connaissent que le français pur, est tellement effrayant que, lorsque j’essayai d’annoter toutes les horreurs de style qui débordent dans nos journaux et dans les documents imprimés quelconques, je ne tardai pas à être pris d’épouvante et de désespoir de jamais arriver à une réforme victorieuse, et je résolus de me laisser aller avec le torrent, mais en me tenant toutefois la tête hors de l’eau.

Mais j’avais tort. À quoi servirait donc de vivre, si l’on n’était utile à quelque chose, si l’on gardait pour soi ce que l’on sait, si l’on ne contribuait pas, dans la sphère de sa compétence et dans la mesure de ses moyens, au progrès intellectuel de son pays ? Assez d’autres s’occupent des progrès matériels, et, sous ce rapport, certes, depuis une quinzaine d’années, nous avons accompli des prodiges et franchi des espaces inattendus. Pourquoi donc les connaissances et l’étude n’ont-elles pas marché de pair avec l’élargissement des canaux, avec le développement des chemins de fer, avec la création d’industries diverses et l’ouverture de voies nouvelles à l’activité humaine, sous des formes indéfiniment variées ? À une époque comme la nôtre où toutes les nations du monde font d’incroyables efforts pour arriver au plus haut degré de perfectionnement ; en présence de la vulgarisation en quelque sorte illimitée des sciences et des