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UNE PAROISSE MODERNE

les autres esprits et les autres âmes, il les embrasait de sa parole de feu. Le verbe, trop lent, sortait de sa vaste poitrine par cascades, par sauts impétueux ; il semblait le jeter avec emportement de sa bouche, parce que le cratère intérieur, trop chargé, ne pouvait le contenir plus longtemps, et parce qu’une explosion était toujours imminente dans cette âme où luttaient à la fois, pour se tenir en place, les plus grandioses projets, les plus humaines entreprises, l’amour infini pour les siens, les Canadiens-français, et une inquiétude vraiment maternelle, toujours éveillée, toujours active, pour assurer la plus petite part de bonheur et de bien-être à ceux qu’il aimait et qu’il protégeait…

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J’en étais là, j’étais en train de buriner pour l’histoire les traits de cet homme, aussi généreux ami que grand patriote, quand, alors même qu’à mon propre foyer les plus cruelles angoisses m’assaillaient, un cri effroyable, jeté par toute la ville, retentit subitement jusqu’à moi. Au moment où je disputais à la mort, dans trois combats répétés presque sans répit, la femme qui n’a pas craint d’associer son existence à l’extrême détresse de la mienne, afin de me ramener aux sources éternelles de l’espérance, un coup affreux,