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Page:Buies - Au portique des Laurentides, 1891.djvu/62

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LE CURÉ LABELLE

jeté sur la terre, avant tout, et peut-être uniquement, pour accomplir l’œuvre de l’établissement et de la colonisation du Nord. Bien plus, il ne se donnait même pas la peine de penser si tout devait, oui ou non, contribuer à cette œuvre, cela lui paraissait forcé, fatal, évident. De là son détachement personnel absolu de tout ce que les hommes convoitent d’ordinaire si ardemment. On lui eût donné des millions qu’il les eût engloutis dans le défrichement et dans les chemins de fer du Nord, non pas inconsidérément, bien au contraire, avec raisonnement, avec discernement, suivant des plans et une méthode inattaquables, mais irrésistiblement.

Pour lui il n’y avait pas d’heures ; il négligeait toute hygiène corporelle, parce qu’à ses yeux sa personne ne comptait pas. Il n’eût pas donné un grain de blé pour sa vie ; c’est une des raisons qui expliquent comment il est mort avec tant de facilité et d’abandon. Il fut indulgent et tendre envers la mort qui l’assaillait brutalement, comme il avait été indulgent toute sa vie envers ceux qui s’attiraient justement sa colère ou sa condamnation. Cet homme-là était trop fort pour avoir la haine de quoi que ce fût : il n’avait que des emportements, suivis d’une immense commi-