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CHRONIQUES

Je ne puis vous en écrire plus long aujourd’hui. Un des avantages des Éboulements, c’est que la malle y ferme huit heures avant le départ du bateau ; du reste, en voilà assez.


14 Août

Je continue d’habiter un pays inhabitable. Ce n’est que trois jours après la votation que j’ai pu apprendre la victoire de MM. Pelletier, Fournier et Taschereau, et, cependant, le premier triomphait à Kamouraska, justement en face d’ici, à dix lieues de distance, et les deux autres à vingt-cinq lieues à peine. Vous, habitants de Montréal, vous l’avez su deux jours avant moi : ce qui prouve que tout, dans ce monde, n’est qu’une immense plaisanterie, la distance qu’un vain mot, et la proximité qu’un mirage trompeur. Nous avons bien ici la malle quatre fois par semaine, mais je ne sais pourquoi les grands événements s’arrangent toujours de façon à arriver après son départ de la ville. En outre, le bateau à vapeur qui doit venir ici les mercredis et samedis, a toujours quelque prétexte nouveau pour arriver le plus tard possible ; tantôt, c’est le brouillard, tantôt la marée, tantôt l’humeur de son capitaine ; quand il n’y a pas de raisons du tout, cette absence même de raisons lui en fournit une ; le désagrément de ne pouvoir être en retard a indisposé la machine, et l’équipage, furieux de cette obligation inattendue d’être exact, s’en venge en faisant tourner le bateau deux heures autour du quai avant d’accoster.

Ou bien, le bateau, venu quatre heures après le temps, se trouve tout à coup pressé au point de ne pouvoir