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CHRONIQUES

croire que votre interlocuteur, lorsque vous le verrez renifler, se moque de vous ; mais éloignez-vous tout simplement de deux ou trois pas. Dire que nous voilà au vingt septembre, au mois des fruits, de la moisson et du feuillage doré, et que la pluie n’a fait que tomber, tomber sans cesse depuis le huit ! Douze jours d’arrosage consécutif, de clapotage et de crottage ! Et remarquez que nous habitons une ville où il n’y a pas de pavés, une ville qui devient un marais à la première pluie et dont on laisse s’entasser la boue depuis l’époque de la conquête. On a commencé au mois de juin à paver la rue Saint-Jean, principale artère de la haute-ville ; cent cinquante pieds de macadam ont été couchés et maintenant l’ouvrage est suspendu. À la basse ville, les goëlettes viennent ancrer sur les trottoirs et chargent ou déchargent leurs cargaisons à domicile.

Là où se trouvaient les quais, il y a quinze jours, les navires jettent maintenant la sonde ; avant-hier, un bateau de la compagnie Richelieu, le Montréal, je crois, a dû mouiller au pied de la citadelle et débarquer ses passagers au moyen de poulies ; tout le trafic se fait dans des chalands, les cochers ont ôté les roues de leurs voitures et le premier essai de chiens de Terreneuve, comme moyen de locomotion, vient d’être fait par un riche propriétaire dont les deux chevaux se sont noyés en traversant la rue Saint-Paul ; quant à sa voiture, elle s’est trouvée placée sur un navire en partance pour l’Angleterre, et lui-même n’a pu rester dans la ville de Champlain qu’en sautant sur les remparts qui se trouvent à fleur d’eau. La chute Montmorency se décharge sur l’Île d’Orléans dont on ne voit que la cime indécise ; enfin, le gouverneur a lancé une proclamation conviant