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CHRONIQUES

avaient enseveli les légendes de leur passé et les beautés de leur histoire.

Il y a chez nous des classes sociales, des aristocrates, débris de l’orgueil et de l’ignorance féodales ; il y a des vieilles familles qui se détachent de la masse et qui conservent intactes des mœurs et des manières surannées ; il y a les parvenus, il y a les enrichis, les petits bourgeois et les ouvriers, tous gens se tenant à part les uns des autres ; il y a des pauvres bien-nés et de gros marchands qui reçoivent dans des palais, et qu’on pourrait atteler avec des bœufs de labour ; il y a à part cela la classe d’élite, fière de sa valeur, dont l’exclusivisme n’a rien d’arrogant, qui se mêle volontiers avec toutes les autres et dont les prédilections s’abaissent maintes fois jusqu’aux rangs les plus obscurs, c’est la classe des hommes de l’esprit et de l’étude. Mais ici, dès que l’on met le pied dans la Baie des Chaleurs, et dans tout le reste des provinces maritimes, les distinctions sociales disparaissent ; il n’y a plus que des égaux.

Les communautés sont petites, jeunes et formées invariablement des mêmes éléments. On n’y connait pas plus la mendicité que les grandes fortunes, et si les hommes en général n’y travaillent pas avec l’ardeur et l’âpreté que nous mettons dans nos entreprises, du moins ils font tous quelque chose. Prenez l’un après l’autre tous les groupes isolés d’habitations, auxquels on a donné le nom de villes, le long de la Baie et sur le littoral du Nouveau-Brunswick, et vous retrouverez, non seulement la même physionomie extérieure, mais encore les mêmes mœurs et les mêmes occupations.