Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/308

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taire d’une maison qu’il venait surprendre, ces trois autres grands gaillards qui étaient allés se placer immédiatement à chaque porte comme des sentinelles de bronze, tout cela me déroutait et me confusionnait tellement que je ne savais plus que dire ni que faire.

En un instant, mon nouveau propriétaire et sa famille eurent encloué toutes les fenêtres et toutes les portes, moins une, pour empêcher qui que ce fût d’entrer. À cette dernière porte deux hommes se postèrent, chacun avec un marteau de forge, et Frank Mehan commença aussitôt à parcourir la maison, tout en regardant à chaque moment par les fenêtres comme un homme qui a besoin de se rassurer. Malgré son audace, il était vert et bleu tour à tour. Cette iniquité, fût-elle même légale, était si monstrueuse qu’elle l’effrayait lui-même.

Il paraît toutefois, d’après ce qu’on m’en a dit ensuite, que la loi du Nouveau-Brunswick a de ces guet-apens féroces et que Frank Mehan était strictement dans son droit. Il avait acheté la maison de son ancien ami pour $1600 dollars ; c’était une vente simulée, mais il s’en tenait à son contrat et il avait refusé plus tard d’accepter même $2,000 de Sutherland, pour rescinder l’acte de vente. De là était venue la difficulté qui n’en était pas une, mais il n’en fallait pas plus à un bandit pour la faire naître. Ne pouvant se faire mettre en possession de la propriété par les tribunaux sans se couvrir d’opprobre et sans avoir à subir un procès qui eût traîné longtemps, il s’était muni d’un bref d’expulsion et il était entré à la sourdine, bien sûr de tenir la maison dès qu’il serait dedans.

Ce qui suivit est horrible à raconter ; aussi je fuis à