Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/422

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encore un chemin, non seulement qui les relie l’une à l’autre, mais qui leur donne une issue, un simple débouché vers les grands centres situés dans leurs régions respectives ! Combien de temps avons-nous perdu en disputes oiseuses, en rabâchages et en bêtises dans les journaux, c’est quelque chose d’incroyable, de douloureux surtout, et cela pendant qu’autour de nous les peuples marchaient à pas de géants et comptaient par autant de conquêtes sur la nature chaque progrès qui entr’ouvrait devant eux des espaces nouveaux et leur apportait de nouvelles richesses !

Quoi ! Voilà vingt-cinq ans bientôt que la région du Saguenay est ouverte ; il y a là de jeunes paroisses admirablement situées, dont l’enfantement avait été salué avec un véritable enthousiasme, et qui ont été arrêtées dès leur premier essor, paralysées dans leur berceau. Oui, cette contrée nouvelle, qui promettait tant, ce nouveau-né venu juste au moment où les ressources agricoles des vieilles paroisses allaient s’épuiser, ce pays de l’avenir, comme on l’appelait encore, il n’y a pas plus de douze ans, déjà se dépeuple, et déjà le découragement aux sinistres inspirations y souffle de toutes parts, comme le vent du désert qui brûle ou détruit tout sur son passage.

Parlons donc de notre jeunesse maintenant ! À quoi cela nous sert-il, puisque nous n’arrivons jamais à l’âge mûr, puisque nous mourons étiolés, impuissants, avant même d’avoir atteint notre majorité ; puisque nous ne sommes, d’une part, que des plaignards et des criards à qui l’action est inconnue, et, de l’autre, d’infatigables louangeurs qui trouvent tout admirable, délicieux, splendide, unique, incomparable ?