Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/423

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Nous n’avons pas seulement le moindre principe d’établissement ou de colonisation, pas le moindre sentiment des moyens pratiques de progresser. Qu’on ne parle pas du climat ; c’est là une excuse trop facile. La faute en est dans notre incurable esprit de routine. Est-ce par hasard le climat qui empêche de mettre de l’engrais sur les terres et d’améliorer la culture par tous les moyens possibles ? Il me semble au contraire que, plus un climat est rigoureux, plus on doit redoubler d’énergie et de travail pour en compenser les désavantages ; mais, au lieu de cela, on braille, et des terres excellentes, jeunes encore et fertiles, deviennent la proie des ronces.

Voyez comment procèdent les Américains. Eux raisonnent le progrès ; ils ont un principe de colonisation régulièrement et partout également appliqué ; tout le sol des États et des Territoires est arpenté d’avance, symétriquement, d’après une même règle invariable. Dès qu’un certain nombre de pionniers vont s’établir dans un endroit, la première chose à laquelle ils pensent est d’avoir un chemin de fer, bâti tant bien que mal, pour répondre aux seuls besoins du moment, quitte à le remplacer plus tard par une voie perfectionnée. Des chemins de fer ainsi construits ont parfois plusieurs cents milles de longueur à travers des espaces plus ou moins déserts ; mais voilà ! aussitôt que le grand nombre de ceux qui attendent et qui n’ont pas voulu s’aventurer dans un pays inconnu, savent qu’ils ont désormais une voie de communication rapide, ils