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l’expulsion complète du sol américain, de l’une ou de l’autre puissance, de la France ou de l’Angleterre. Québec resté aux mains des français, c’était pour eux la possession assurée de la vallée du Mississippi qu’ils avaient découverte et qu’ils occupaient au moyen de forts détachés ; c’était de plus, dans un avenir prochain, la conquête de toutes les colonies étrangères qui bordaient l’Atlantique jusqu’à la Floride. Les américains le sentaient bien, eux qui avaient équipé à leurs propres frais plus d’une expédition, par mer et par terre, pour attaquer nos murs, eux qui représentaient sans cesse à l’Angleterre, dans leurs demandes d’hommes et d’argent, qu’il fallait supprimer la France en Amérique, et, pour cela, la frapper à la base même, lui enlever Québec, le pivot de son empire colonial, que tout ce qui serait fait en dehors de cet objet ne serait que peine perdue, que sang inutilement versé. Et certes, avouons qu’il fallait en finir, qu’un dénouement était aussi désirable qu’inévitable. Cette lutte horrible qui mettait ainsi aux prises sans relâche deux peuples héroïques, pour chacun desquels il y avait certainement une large place sur ce vaste continent, était arrivée à un degré d’irritation, d’animosité et de sauvagerie qui menaçait de faire disparaître la civilisation dans le gouffre même de la barbarie qu’elle était venue combattre. Les indiens, altérés de sang, ivres de pillage et de destruction, atteints jusqu’aux os par tous les vices de la civilisation européenne, sans avoir pu acquérir une seule de ses vertus, ne connaissaient plus de frein, étaient devenus incontrôlables. Au milieu des ombres profondes de la nuit, quelquefois en pleine paix, des villages inoffensifs, avant-postes éloignés des colonies anglaises, perdus dans les bois, étaient mis par eux à feu et à sac, les maisons incendiées, les femmes et les enfants traînés par les chemins et égorgés, des hommes, trop vieux pour se défendre, coupés par morceaux et la tête dépouillée pour orner la ceinture de guerre de ces barbares