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Il n’est pas besoin de dire quel spectacle réjouissant ce fut pour Dieu de voir ce saint tout nu dans son marais. L’Église l’honore le 2 janvier.

Les écrivains ecclésiastiques donnent la virginité comme le plus haut point de perfection pour les deux sexes. Il se trouve un assez grand nombre de veuves néanmoins dans le calendrier ; mais on a soin de faire remarquer que c’est malgré elles qu’elles ont accepté un époux ; quelques unes ont amené cet époux à ne l’être que de nom ; d’autres, comme sainte Reine, ont fait, après la mort de cet époux, une austère pénitence. L’époux de sainte Reine, cependant, était un homme si vertueux que l’historien de leur vie (Molanus) déguise ce qu’il y a d’horrible dans le mariage en disant :

« Ces deux saintes âmes eurent dix filles. » Ces dix filles restèrent vierges ; ce fut une d’elles, sainte Régenfrede, qui fut abbesse du monastère de Donoue, que fonda sainte Reine, qui ne voulut pas accepter cette qualité, « ne trouvant pas séant qu’une personne qui avait subi le mariage et dont l’âme avait produit dix enfants, eût quelque autorité sur des vierges en la compagnie desquelles il lui semblait que c’était déjà trop d’honneur pour elle de pouvoir passer sa vie. »

L’auteur ajoute à ce sujet une sévère admonestation aux veuves qui entrent en religion et qui souvent, dit-il, « portent dans ces maisons où on leur fait la grâce de les admettre un esprit d’autorité et cet air de commandement qui leur reste de leur première vie. Prions cette sainte veuve d’attirer cette grâce sur les communautés que Dieu en éloigne les veuves altières, curieuses, entreprenantes, etc. »

Témoin sainte Cunégonde qui, veuve, ayant fait nommer sa nièce abbesse du couvent où elle s’était retirée, toujours par respect pour la supériorité de la virginité, ne poussa pas ce respect jusqu’à ne pas lui donner un soufflet, un jour que l’abbesse était en retard pour l’office. « De ce soufflet, dit l’auteur, Dieu voulut que la marque restât sur la joue de l’abbesse pendant toute sa vie. »

Il parait que sainte Cunégonde n’y allait pas de main morte.

Cette supériorité des vierges se fonde sur ce qu’elles pensent être les épouses de Jésus-Christ, situation que les auteurs ecclésiastiques n’expriment pas toujours avec une réserve suffisante. Une des formules les plus fréquemment employées est celle-ci :

« Elle mourut et alla jouir des embrassements de son céleste époux. » J’ai souvent remarqué que les prêtres, les religieux et les personnes qui ont la prétention de ne pas connaître l’amour, par cela même ne connaissent pas la chasteté ; voir les casuistes, dont les livres sont d’une obscénité et d’une grossièreté choquantes.

On ne se figure pas combien, avec de pareilles idées et de pareilles images, on remplit les couvents de pauvres filles qu’on rend hystériques, à la façon de sainte Thérèse, qu’on a appelée sainte Sapho.