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comme trop indigne de mon attention et je lui refuse jusqu’à l’expression de ces bons souhaits que d’autres sont si avides de lui offrir.

Ne voir une femme qu’une fois l’an, et n’en pouvoir tirer d’autres paroles que celles-ci :

« Oui, monsieur,
Non, monsieur,
Certainement, monsieur,
Est-il possible, monsieur ?
Il fait bien froid, monsieur,
Je me porte assez bien, monsieur, »

Vraiment, ça n’est pas la peine.

Si je me présentais, je ne pourrais faire que les souhaits suivants :

« Madame, ou mademoiselle, je vous souhaite de lire, de vous instruire, d’apprendre autre chose qu’à dégrapher vos corsages, à préparer vos robes de bals.

Je vous souhaite d’aller moins aux neuvaines, aux confréries, mais de cultiver votre esprit qui en a besoin ; de vous rappeler que vous avez une intelligence et que vous ne devez pas la faire servir uniquement à tricoter et à préparer la soupe ; que vous n’êtes pas seulement une machine dont l’homme se sert et qu’il s’adjoint ; que vous ne devez pas permettre à votre confesseur de fourrer le nez constamment dans votre ménage, non pour le diriger, mais pour savoir ce qui s’y passe ; que vos devoirs de famille, vous les connaissez mieux que lui qui n’a pas de famille ; que vous n’êtes pas une méchante bourrique, quoi qu’en dise saint Jean de Damas, qui n’avait vu que des chameaux, mais que vous êtes une belle et noble créature dont les prêtres se font un instrument de domination et d’abrutissement ; que vous avez beaucoup trop de scapulaires et de médailles, et pas assez de connaissances pour vous éclairer sur les stupidités abjectes dont on vous nourrit ; que vous serez éternellement un être inférieur tant que vous vous livrerez aux enfantillages et aux niaiseries qui forment les trois quarts de votre éducation, tandis que vous devez être l’égale de l’homme, pour être à bon droit sa compagne…&… »

Mais je passerais pour un impertinent et je serais éconduit, ce que j’évite en restant chez moi.

Un autre père de l’Église disait aux sectaires de son temps :

« Adressez-vous aux femmes, elles reçoivent promptement, parce qu’elles sont ignorantes ; elles répètent avec facilité, parce qu’elles sont légères ; elles retiennent longtemps, parce qu’elles sont têtues. »