Page:Buies - La lanterne, 1884.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
184

Dans son Étude sur les rapports de l’Église romaine avec le premier empire, M. le comte d’Haussonville raconte à quelle correspondance animée entre le pape et le gouvernement français donna lieu ce chapitre rédigé par Portalis, mais dont l’empereur « avait pesé, revu et nuancé chaque expression, de façon que rien d’essentiel ne fût omis et que toutes choses concordassent bien à ses vues. »

Je prends au hasard deux pensées du père Hyacinthe :

1o. « La vieille organisation politique du Catholicisme s’écroule de toutes parts en Europe dans le sang, et ce qui est pis, dans la boue. »

Si elle s’écroule de toutes parts en Europe, elle est impérissable en Canada, parce qu’elle a deux immortels appuis pour la maintenir, l’Ordre et le Nouveau-Monde.

Toutes les fois que la vieille organisation tombera dans la boue, ces deux journaux iront l’y chercher. Ils sont faits pour cela.

2o. « L’Amérique ! c’est la proue la plus avancée de la civilisation moderne, cinglant à travers toutes les gloires et toutes les témérités vers un avenir inconnu. C’est, j’aime à le penser, le peuple élu de Dieu pour renouveler les choses et pour préparer aux institutions, qui ne sauraient passer, des vêtements plus jeunes et plus forts. »

Ce n’est pas seulement à travers toutes les témérités, mais c’est à travers tous les obstacles que les États-Unis cinglent vers un avenir non inconnu, mais bien au contraire connu de tous ceux qui ne redoutent pas d’interroger le problème de la destinée, et de rechercher où va l’homme.

Si cet avenir était inconnu, pense-t-on que les États-Unis y eussent marché avec tant de certitude et de confiance ? L’avenir ne peut être inconnu que dans ces vieilles sociétés européennes basées sur l’injustice, l’exclusion, la caste, le favoritisme et le despotisme social, quand ce n’est pas le despotisme politique.

Là, les hommes marchent à tâtons, encore à moitié ensevelis dans un passé plein de ténèbres. Ils ne peuvent voir distinctement, parce qu’ils ne sont pas affranchis de l’erreur et du préjugé ; tout se combat en eux et ce qui est pour nous vérité démontrée, fait acquis, n’est encore pour eux qu’une aspiration.

Ce que vous appelez l’inconnu est pour nous le visible, parce que déjà nous le voyons se réaliser sous nos yeux attentifs. Les États-Unis savent où ils vont, parce qu’ils veulent y aller ; ils ont fixé le but et le regardent, non pas avec des yeux d’effroi comme font les peuples enfants de l’Europe que chaque progrès, chaque réforme intimide, mais avec le coup d’œil sûr de ceux qui, ayant en eux-mêmes la