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Jean Roux, âgé de 40 ans, recteur du collège de Tivoli, est un drôle de recteur qui ignore tout ce qui se passe dans sa maison.

Il n’y a que les Jésuites pour avoir cette sainte ignorance du mal.

Il est trois heures, l’audience est suspendue.

À la reprise, Me Émile Durier a soutenu la plainte de M. Ségéral et a, pendant une heure environ, tenu l’auditoire sous le charme de sa parole élégante, précise, puissante dans sa modération.

Me de Sèze a répondu avec son talent et sa chaleur habituels. M. le procureur impérial a prononcé un réquisitoire remarquable de mesure et de fermeté, et, après une délibération d’environ vingt minutes, le tribunal a rendu un jugement qui condamne les sieurs de la Judie et Commire, chacun à dix jours d’emprisonnement, et le P. Roux, solidairement avec les deux autres, à 300 fr. de dommages-intérêts envers M. Ségéral. (Gironde)

Le Figaro de Paris accompagne le récit de ce procès du détail des instruments de correction employés par les Jésuites, et des réflexions suivantes :

« Des cordes se terminant en plusieurs brins tout semés de nœuds ; des lanières de cuir ; des cravaches, des demi-cravaches, des morceaux de cravaches ; des bâtons avec lesquels frappent des hommes portant des barbes postiches, et dont le visage se dissimule sous un masque de salle d’armes.

« Plusieurs cachots sont destinés à enfermer ceux qui doivent recevoir la correction disciplinaire ; l’un d’eux a, pour tout meuble, une caisse hérissée de clous sur laquelle se débat le patient. Un de ces cachots n’est autre que le cabinet qui sert de déversoir (je me sers du mot pudique de M. le président du tribunal) à ces béats pères Gorenflot.

« J’ai peine à contenir l’indignation qui m’agite. Est-ce possible ? est-ce croyable ? Comment ! pendant dix années de sollicitudes maternelles et d’inquiétudes paternelles, ces petits chérubins délicats auront reçu nos caresses et nos soins ; ils nous auront mis en émoi pour une égratignure et nous auront tenus toute une nuit en éveil pour une toux qui secouait leur poitrine frêle, et enfin, après toutes les angoisses des maladies et des accidents de la première enfance, heureux, fiers d’avoir élevé ces petits êtres chéris dans la force et la santé, nous les confierons à des étrangers, et ce sera pour qu’on nous les ramène meurtris par des lanières, déchirés par des clous, brutalisés par le bâton, souffletés par un jésuite !

« Ces chaires roses et tendres, où circulent notre sang et notre amour, deviendront la proie de ces hommes noirs et seront livrées aux fureurs claustrales de ces célibataires bouffis ! »

J’ai découvert un piège.