Page:Buies - La lanterne, 1884.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je déclare que c’est là une insigne fausseté, qu’ayant appelé mon journal La Lanterne, je ne l’ai pas appelé l’Éteignoir, et que la dite Lanterne n’est inspirée que par les sottises et les ridicules de la presse dévote, assez nombreux pour l’occuper longtemps avec toutes les variétés désirables.

Le Courrier du Canada félicite l’Ordre de l’acte de courage ! qu’il a fait en renonçant à son titre de libéral. C’est le coup de grâce de ce pauvre écrasé. Il devait s’attendre pourtant à ce que ceux qui lui ont arraché cette lâche complaisance se moquassent de lui.

Et le Pionnier de Sherbrooke, prenant cela au sérieux, s’écrie avec transport : « Tout cela indique que le parti libéral progresse, hein ! »

Mais sans doute. Le premier pas à faire pour avancer est de se débarrasser des obstacles. Or, des libéraux de la trempe de l’Ordre sont des calamités — nuisances, comme disent les anglais.

Je veux prévenir les vrais libéraux du danger qu’il y a à recevoir dans leurs rangs élargis des recrues suspectes et des auxiliaires perfides. Jamais position ne sera conquise, jamais victoire ne sera remportée par eux, si, pour chaque pas qu’ils font en avant, ils ont parmi eux des alliés qui leur en font faire immédiatement trois en arrière.

Je ne connais qu’un homme dans le Bas-Canada qui ait trouvé moyen d’être un journaliste des bons principes, et de dire la vérité une fois. C’est M. Cauchon. Il a été trente ans dans la presse militante avant de pouvoir accoucher de cette vérité. Mais tenons-lui compte de cet acte de courage tardif qui va l’exposer, lui aussi, au reproche d’irréligion.

Voici ce qu’il disait dernièrement dans son Journal de Québec :

« Dans notre pays, on tolère longtemps les abus, on les souffre pendant des années avant de songer à les faire disparaître. On se borne d’abord à déplorer le mal, à souhaiter de le voir coupé dans la racine, et ce n’est qu’au jour où le danger devient imminent que, secouant leur apathie, les citoyens cherchent les moyens de le conjurer. »

Pour dire cela, il faut être décidé à braver toutes les foudres. Car on n’ignore pas que chaque fois qu’il s’est agi de faire le tableau de notre état social, notre digne clergé a cherché avant tout à nous bien convaincre que nous sommes le peuple le plus heureux de la terre.

La raison, je l’ignore.

Est-ce parce que nous payons bien la dîme ?

Est-ce parce que nous expédions à Rome des zouaves pontificaux qui y meurent d’épuisement et de fièvre ?

Est-ce parce que la paix des ménages est troublée par les excommunications qui menacent les lecteurs du Pays ?