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déclaré l’instruction obligatoire depuis 1844. Sur 18,000 enfants en âge d’école, 2,320 seulement sont inscrits, et 700 environ les fréquentent régulièrement.

Presque tout le commerce y est aux mains des Anglais et des Américains.

Ici, un rapprochement se présente.

Il semble que tous les pays de race latine, où le clergé à longtemps appesanti son joug, soient condamnés à une déchéance fatale et irrémédiable.

Le mal est si profond chez eux qu’il est impossible de l’atteindre à sa racine, et que tous les remèdes apportés par l’amélioration des institutions ne servent qu’à prolonger la douleur.

Nos campagnes, où la main du curé pèse sur chaque tête se dépeuplent.

Dans tout le Canada, la seule ville de Montréal est en progrès ; mais à qui le devons-nous ? Aux Anglais, qui en ont renouvelé la face depuis quinze ans, qui ont fait graviter le commerce et l’industrie vers la partie de la ville qu’ils ont prise pour eux, aux Anglais dont l’esprit libre, la personnalité indépendante, l’instinct de la force ont été comme les moteurs de toutes les entreprises et les leviers du succès.

Aussi, voyez leur quartier, puis abaissez vos yeux sur celui des Canadiens.

Ici, que trouvez-vous ? La stérilité, l’abjection morale, l’inertie intellectuelle. Une bourgeoisie épaisse, ignorante, inaccessible à une idée quelconque, bornée au confort, renfermant la vie dans le ménage et la cuisine.

Une légion de commères, les plus sottes femmes qu’il y ait, de 35 à 50 ans, dont l’existence se passe à jouer aux cartes, entendre tous les sermons, courir à toutes les confréries, recueillir et répandre tous les cancans, prendre part à toutes les intrigues, mêler leur voix aux mille échos de la médisance et des plus stupides préjugés, porter partout où elles vont un esprit d’intraitable animosité contre les quelques hommes et les quelques institutions qui sauvent notre société d’une complète léthargie, se faire l’organe des calomnies et des malédictions qui pleuvent sur eux, se liguer contre les jeunes femmes ou les jeunes filles qui s’affranchissent de leurs mœurs surannées et de leurs imbéciles pratiques, milice zélée des jésuites qui répète leurs sermons à toutes les oreilles, se tient à l’affût des plus petits faits des prêtres, des moindres paroles de l’évêque, pour les crier de porte en porte, bataillon de robes couvrant d’ombre la moitié de la ville.

Ces femmes s’épient entre elles par-dessus le marché ; jamais elles ne hasardent une pensée qui soit en dehors de leurs habitudes jour-