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Je continue. La jeunesse sort des collèges, bouffie de prétentions, mais vide de science.

Elle ignore les choses les plus élémentaires, sans parler du grand mouvement scientifique de notre époque, des découvertes de la géologie, du développement de la race humaine sur toutes les parties du monde, des études nombreuses et variées faites sur tant de sujets divers, et qu’il n’est pas permis d’ignorer aujourd’hui. Cela est bien simple, on enlève aux jeunes gens tous les livres ; ils ne peuvent lire que ceux de la petite bibliothèque du séminaire, et Dieu sait ce qu’est ce stock-là. Histoire ancienne : Rollin, et rien que Rollin ; Gibbon n’existe pas ; histoire de France : Gaboure ; mais Thiers, Thierry, Henri Martin, Mignet, Michelet, inconnus ! Poésie : Lefranc de Pompignan, J. B. Rousseau, un peu de Racine, encore moins de Corneille ; voilà le bagage. Éloquence : oraisons funèbres de Bossuet ; Fénelon est dangereux.

Un élève rapportait de ses vacances, il y a quelques années, quelques pièces de Shakespeare et le traité de l’Existence de Dieu. Il voulait connaître ce que c’était que ce Shakespeare dont on parle tant, et comment l’existence de Dieu était démontrée par Fénelon. On lui ôta ces deux livres dès le premier jour ; Shakespeare est un Anglais qui ne parle pas de la nationalité canadienne, et Fénelon apprend à raisonner.

Voilà !

Je reçois la communication suivante :

« La sécularisation des propriétés accaparées en Espagne par les Jésuites et autres corps religieux va sans doute ramener les mêmes doléances et les mêmes lamentations. On criera encore à la spoliation. Ces opérations qui ont fait le tour du monde et qui passeront ici un jour comme ailleurs, sont maintenant bien comprises. Ce sont de simples revendications. L’état, représentant la société dépouillée par les corps religieux, ne fait que rentrer dans son bien. On avait mis un bandeau sur les yeux des populations pour les dépouiller ; les populations reprennent leurs biens quand elles y voient clair. Ce n’est pas plus compliqué que cela.

« Victor-Emmanuel, cédant aux arguties de quelques casuistes, a eu la candeur d’indemniser les corps religieux. Qu’y a-t-il gagné ? Plus de malédictions que s’il eût repris le bien de la nation là où il le trouvait, sans cérémonie. L’exemple ne sera pas perdu pour les Espagnols. »

Le digne citoyen qui m’adresse ces observations, croyant sans doute entrer dans mes vues, se trompe du tout au tout. Il oublie une chose bien simple ; c’est que le pape, ayant été institué par Dieu maître des trônes et des empires, il en résulte manifestement que le clergé est propriétaire naturel de tous les biens d’ici-bas.

S’il en laisse avoir par ci par là à quelques particuliers, c’est par pure tolérance.

Un jeune homme se présente l’autre jour pour demander une place dans la galerie de l’église des Jésuites. On lui répond qu’il l’aura, à la condition qu’il se mette de l’Union Catholique !