Page:Buies - La presse canadienne-française et les améliorations de Québec, 1875.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 20 —

côté de cette terrace Durham d’où la vue embrasse peut-être le plus beau panorama du monde entier, n’y a t’il pas aussi un admirable jardin qui est la propriété du public et auquel le public n’a aucun droit ?

Tout le monde se plaint de l’exiguité de la plateforme, et, à côté d’elle, il y a une promenade délicieuse où personne ne peut pénétrer, quoiqu’elle appartienne à la ville, et quand il serait si facile de tout concilier, les appétits de l’École Normale comme le droit des citoyens, en prolongeant la plateforme jusqu’au glacis, ce qui n’entamerait que la lisière du jardin du gouverneur.

Oh ! quelles enivrantes soirées on passerait ainsi sur cette plateforme allongée d’environ six fois sa longueur actuelle ! Concevez-vous rien d’aussi merveilleux qu’une pareille promenade ? Et dire que pour quelques milliers de dollars seulement que cela coûterait, nous tâtonnons, nous lésinons, et nous hésitons depuis un quart de siècle à nous donner le plus enchanteur des spectacles ! Notre ville est un Éden ; c’est un bouquet épanoui sur la cîme d’un roc, et nous ne l’arrosons pas ! satisfaits de la prodigalité de la nature, nous ne faisons rien pour reconnaître ses largesses et combler ses rares lacunes ; nous sommes habitués à l’admiration des étrangers et nous nous en contentons, sans songer que l’admiration se lasse vite comme tous les sentiments vifs, et que si Québec a assez de grandeur en lui-même pour captiver à jamais tous les yeux, nous lui rendons par une négligence honteuse le centuple de ce qu’il nous donne en splendeur.

Messieurs, c’est un thème inépuisable que notre ville de Québec ; depuis cinq ans j’y exerce mon ingrate plume sans en trouver le fond ; les poëtes des siècles futurs n’auront pas assez de vers pour en chanter les beautés incomparables, aujourd’hui je n’ai pas assez de mots pour dire toute notre ingratitude, pour déplorer notre indolence fu-