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porté à l’indulgence. Si c’est un anglais qui lit : « Ce n’est pas étonnant, se dit-il, que M. Lemoine écrive comme cela ; l’anglais n’est pas sa langue. » Lorsque c’est un lecteur canadien-français : « C’est curieux, pense-t-il, Lemoine est pourtant un nom français ; mais évidemment, l’auteur est anglais. » Entre les deux lecteurs, M. Lemoine s’échappe, comme un homme qui a joué un tour, et il recommence à quelques jours de là sans que le public puisse jamais avoir le mot de l’énigme.

Voici comment il décrit Rimouski, dans son « Album du Touriste » :

« Rimouski, comme chef-lieu d’un grand district judiciaire, comme siége épiscopal, autant qu’à titre d’une des principales stations du chemin de fer intercolonial, jouera, nul doute, dans l’avenir, un rôle important… Deux mesures vitales pour Rimouski sont, érection en eaux profondes d’une jetée… et création d’un hâvre de refuge pour les vaisseaux de long cours. »

Je donnerais tout au monde pour connaître l’inventeur de la pioche dont on peut se servir pour écrire dans un style pareil, pour oser faire des descriptions surtout, genre extrêmement difficile et qui demande un pinceau aussi délicat qu’exercé.

Évidemment l’auteur de la « Chronique » est sans pitié pour ceux qu’il reproduit ; heureusement qu’il rachète cette cruauté dès la page suivante en citant un autre écrivain, celui-là vrai coloriste, qui a peint