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cette « ancienne colonie française, » a été étonné du grand nombre de productions indigènes qu’il voyait étalées chez les libraires ou bruyamment célébrées dans les journaux. Il s’est donné la peine de les lire toutes et de se mettre au courant de nos ambitions et de nos aspirations littéraires, de sorte qu’il a pu, non seulement prendre la mesure de nos capacités respectives, mais encore apprécier exactement tout ce que cette quantité de livres et de brochures contenait de germes et de promesses pour l’avenir. Il s’est senti pris de sollicitude pour les premiers essais de cette littérature enfantine qui émerge à peine des langes, et qui n’en est pas encore arrivée à l’âge de la correction. Il la regarde s’aventurer, il suit avec un intérêt touchant ses pas tantôt tremblants, tantôt hardis, tantôt hasardés, il étudie ses instincts et cherche à prévoir où ils la conduiront ; il cherche à reconnaître si, dans l’embryon qu’il découvre, il y a quelque espoir de future virilité. Mais il ne pousse pas cet examen trop loin. Avant tout, il se laisse aller au bonheur d’avoir retrouvé cette petite-fille de la France presque perdue au milieu d’un monde semi-barbare, malgré ses chemins de fer, ses bateaux-à-vapeur et ses télégraphes. L’existence de ce million de français groupés sur les deux rives d’un grand fleuve, et que la France elle-même ignore depuis plus d’un siècle, l’a séduit par